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Libération

Jugé pour violences, le footballeur Kerfalla Sissoko dénonce une agression raciste

publié le 27 janvier 2020 à 20h46

Deux ans après avoir été laissé quasiment pour mort sur le terrain de foot de Mackenheim, Kerfalla Sissoko doit comparaître ce mardi pour «violences en réunion». Le joueur noir de l'AS Benfeld a été pris pour cible ainsi que ses coéquipiers, noirs également, par l'équipe adverse. Ils ont été insultés, menacés. Deux d'entre eux ont été tabassés. Lors de ce match de D3 du 6 mai 2018, les supporteurs avaient envahi le terrain. Déferlement de coups et d'injures racistes. Kerfalla a été coursé avec un couteau de cuisine, puis battu au sol à coups de poing, de pied, sous les yeux de tous. Kerfalla est évacué inconscient par les secours. Hospitalisé plusieurs jours, il souffre d'un traumatisme crânien, de plusieurs fractures de la mâchoire et des côtes. Dix jours d'ITT.

Laouali Moudi, l'autre joueur noir de Benfeld ayant été blessé, est convoqué au tribunal pour le même motif. Idem pour les joueurs de Mackenheim. Mais le caractère raciste a disparu de l'affaire. «Comme une banale bagarre sur le terrain», s'étrangle Kerfalla, «dégoûté».

Les instances du foot dans le Grand Est ont déjà traité l’affaire selon leur procédure disciplinaire interne. Bilan : suspension de 10 matchs, pour les agresseurs comme pour les victimes.

Côté judiciaire, l'avocate de Kerfalla relance en janvier 2019, craignant une prescription. A ce jour, côté Mackenheim, douze personnes ont été entendues. Côté Benfeld, quatre. Plusieurs témoins des injures et des coups n'ont jamais été invités à parler. L'enquête est bouclée. Les gendarmes concluent qu'il n'y a pas de racisme puisque personne n'a rien vu ni entendu, sauf les Noirs. «Deux ans qu'on attend un procès. Kerfalla, que j'ai vu se faire massacrer, n'est même pas sur le banc des victimes ! Pire, on le fait passer pour un affabulateur violent !» s'insurge Jean-Michel Dietrich, le président du club.

L’avocate a porté plainte auprès du doyen des juges d’instruction avec constitution de partie civile afin que le caractère raciste ne soit pas évacué de la procédure. Mais la justice a réclamé à Kerfalla 1 000 euros en guise de consignation. Son salaire de technicien à l’usine ne lui a pas permis de réunir l’argent à temps, malgré une collecte en ligne. Lilian Thuram, qui prend régulièrement des nouvelles de lui, a été appelé à la rescousse. Sa fondation a fait un chèque pour couvrir les frais de justice. Reste à savoir si le parquet acceptera d’accorder un nouveau délai à Kerfalla.