«Je pourrais dire "on interdit les poulets en batterie" courant 2020 pour faire plaisir. Mais on obtiendrait quoi ? Fermeture immédiate des exploitations, abattage des poulets, chômage et, comme il faut continuer à satisfaire la demande, importation de poulets élevés dans des normes sanitaires que nous maîtrisons moins.» Le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Didier Guillaume, n'était pas peu fier de ses mesures «pour la protection et l'amélioration du bien-être animal» dévoilées ce mardi matin.
Avec deux objectifs majeurs : la fin du broyage des poussins et celle de la castration à vif des porcelets d'ici la fin 2021. Mais aucune réflexion prévue sur les volailles en batterie. «Il faut être rationnel et dépassionné», appuie le ministre, qui pourrait quitter ses fonctions dans les prochains jours pour se consacrer aux municipales à Biarritz. Entre une opinion de plus en plus sensible à la cause animale et des agriculteurs qui n'ont pas toujours les moyens de changer leurs pratiques, le gouvernement tente de ménager les différentes sensibilités… et les différents électorats.
«Gesticulations à l’approche des municipales»
«Un spectacle ressemblant fortement à une séance de gesticulations à l'approche des élections municipales», déplore l'association L214 qui contribue à forger une sensibilité à la cause animale à l'aide de ses vidéos choc. Le ministre parle d'«ambition» mais reconnaît qu'il «manque des réponses». Quelle alternative à la stérilisation à vif des porcs ? Engendrant quel surcoût ? Supportée par qui, entre l'Etat, le paysan, les éventuels intermédiaires, le consommateur ? Les mêmes questions se posent pour l'extermination (broyage voire gazage) des poussins mâles dans les chaînes de production d'œufs qui ne souhaitent conserver que des femelles. Alors que l'objectif affiché est de déterminer le sexe de l'embryon avant éclosion, il restera à déterminer le devenir des œufs mâles : destruction ou réutilisation, par exemple dans l'agroalimentaire ? Sur le dossier, l'Etat est en retard.
Ses 4,6 millions d’euros investis, du temps de François Hollande, dans la société vendéenne Tronico afin de «sexer» les œufs, n’a pas atteint le taux requis de 95% de fiabilité. La technique consistait à analyser les œufs par spectrométrie, sans briser la coquille. Le gouvernement mise désormais sur une autre méthode, celle de l’allemand Seleggt, qui prélève une très faible quantité de liquide à l’intérieur des œufs. A terme, chaque ferme spécialisée dans les poules pondeuses en France devra se doter des outils et de la technologie Seleggt, et son personnel devra être formé.
Loïc Dombreval, un rapporteur contre la captivité des animaux
Parmi les autres mesures annoncées, la création d'un nouvel étiquetage en supermarché devrait informer le consommateur sur «les modes d'élevage et le bien-être animal», mais le projet demeure flou et devrait se dérouler dans le cadre d'une «expérimentation» avant d'être proposé aux autres pays européens. Le transport des animaux vers les abattoirs devrait également être mieux encadré. Mais le plan ne prévoit pas, pour l'instant, la généralisation des abattoirs mobiles ou à la ferme, auxquels le ministre de l'agriculture se dit «personnellement très favorable».
Une nette avancée toutefois : les nouvelles lois et réglementations sur le bien-être animal devraient s'appuyer sur un rapport commandé en début de mois par le Premier ministre à un député (LREM) fin connaisseur du sujet, Loïc Dombreval. Cet ancien vétérinaire s'est publiquement prononcé contre la captivité des animaux (cirques, delphinariums, élevage de visons) et pour des dispositifs de vidéosurveillance dans les abattoirs. «La question du bien-être animal est devenue légitimement un motif de préoccupation depuis cinq à six ans et concerne l'ensemble de la population, les urbains comme les ruraux», indique le député à Libération.