Dans les locaux un rien surannés de l’Académie de médecine s’est tenu la semaine dernière un colloque sur les inégalités de santé, une des questions centrales auxquelles sont confrontés les systèmes de santé des pays riches.
Le professeur Alfred Spira, à l'origine de cette rencontre, a égrené quelques faits, rappelant d'abord que tout cela n'est pas nouveau. Ainsi, en 1823, Louis Villermé, ancien chirurgien de la Grande Armée, publiait un article sur la mortalité particulière dans les quartiers pauvres de Paris. «La mort est une maladie sociale», écrivait-il. Est-ce différent aujourd'hui ?
Comme le chiffre le professeur Spira, entre les 5 % des Français les plus pauvres et les 5 % les plus riches, l'espérance de vie passe de 72 à 84 ans. Et une variation de plus de cinq ans apparaît lorsque l'on regarde les diplômes. Autre critère, l'emploi : un cadre peut espérer vivre jusqu'à 82 ans, un ouvrier jusqu'à 76 ans. Et, plus précisément, l'espérance de vie en bonne santé est de 69 ans pour un cadre, 59 ans pour un ouvrier. «Et l'âge pivot en bonne santé est de 64 ans.»
Ces inégalités ne diminuent pas, quels que soient les discours ambiants. «Dans tous les pays européens, a rappelé Johan Mackenbach, de l'Académie royale des Pays-Bas, le constat est que la mortalité a beau baisser partout, les inégalités augmentent.» Et de pointer : «Dans les progrès en matière de santé, l'éducation est devenue un des éléments primordiaux, or les groupes les plus fragiles y ont peu accès.»
Margaret Whitehead, de l'université de Liverpool, une des références mondiales sur ces questions, est revenue, elle, sur un point noir qui cristallise les impasses actuelles : la pauvreté infantile. Cette chercheuse a souligné l'impact des différentes politiques d'austérité de ces dernières dizaines d'années. «La situation s'aggrave dans tous les pays de l'OCDE. Les réformes des systèmes de santé ont été catastrophiques pour les enfants. Les mesures d'austérité ont eu des effets directs sur la pauvreté infantile.»