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Enfants et écrans : une étude qui en remet une couche

Les enfants et les écransdossier
Des chercheurs ont observé à Singapour un groupe d’enfants de 2 à 5 ans. Selon leurs travaux, une durée prolongée devant les écrans peut entraîner une trop grande sédentarité.
L'étude montre les dangers d'une exposition trop banalisée des tout-petits à la télévision, aux smartphones et aux tablettes. (Photo Vyacheslav Dumchev. Getty Images. Istockphotos)
publié le 28 janvier 2020 à 20h36

Nouvelle étude, nouvelle alerte. Publiées ce mercredi dans le très sérieux mensuel britannique The Lancet Child & Adolescent Health, les conclusions des travaux menés à Singapour par une équipe de chercheurs internationaux vont apporter un peu plus d’eau au moulin de ceux qui crient aux dangers des écrans pour les jeunes enfants. L’objectif a été d’évaluer leur impact sur l’activité des tout-petits quand ils grandissent. Plus précisément, les chercheurs se sont intéressés aux conséquences d’une exposition d’un enfant de 2 ans sur son sommeil et son activité physique trois ans plus tard. Leur bilan vient étayer des soupçons déjà anciens : plus un enfant passe de temps devant les écrans à 2 ans, moins il bouge à 5 ans.

Pour obtenir des résultats fiables, les 16 chercheurs ont sélectionné 552 enfants de Singapour, enrôlés dès leur naissance dans une cohorte baptisée Gusto. Quand ces derniers ont eu 2 ans, les chercheurs ont demandé à leurs parents de relever leur temps passé devant différents types d'écrans. Trois ans plus tard, ils les ont équipés, durant une semaine complète, 24 heures sur 24, d'un accéléromètre, appareil évaluant l'intensité des mouvements. «L'idée était de mesurer l'effet des écrans sur leur activité future, puis d'identifier précisément à quels types d'activités s'était substitué le temps passé devant la télé, les tablettes ou les smartphones, explique l'épidémiologiste français de l'Inserm Jonathan Bernard, coauteur des travaux singapouriens. La force de cette étude est d'être longitudinale, donc inscrite dans la durée, et de porter sur un nombre important d'enfants. Etant fondée sur l'observation, elle est dépourvue de groupe contrôle, qui aurait pu permettre d'établir sans discussion le lien de causalité. Mais parce que nous avons tenu compte de nombreuses variables - le milieu social, le revenu du foyer, le sexe, l'ethnie… -, on s'en approche fortement.»

D'entrée, les chercheurs font une observation préoccupante. Aux dires mêmes de leurs parents, à 2 ans, les enfants de Singapour passent en moyenne 2,5 heures par jour devant les écrans, qu'il s'agisse de télévision, de tablette ou de smartphone. Et 29 % y sont même scotchés plus de trois heures par jour, tandis que seulement 19 % d'entre eux les regardent moins d'une heure au quotidien… Ces habitudes, les chercheurs en ont mesuré les effets négatifs trois ans plus tard : un enfant de 5 ans qui à 2 ans regardait les écrans plus de trois heures par jour a en moyenne une activité physique inférieure de quarante minutes par jour - trente minutes d'activité légère (comme la marche) et dix minutes d'activité plus intense (comme la course) - à celle de son petit copain qui, à 2 ans, passait moins d'une heure par jour devant les écrans… «Cela signifie qu'un enfant s'habitue à la sédentarité à laquelle le contraint l'écran, pointe Jonathan Bernard. Même s'il faudrait répliquer l'étude pour vérifier que ce qui est vrai à Singapour l'est aussi ailleurs, cela valide en l'état la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de limiter à une heure maximum par jour le temps d'écran des enfants de 2 à 5 ans. Au-delà, le risque pour les jeunes de développer surpoids et obésité s'accroît.» A bon entendeur…