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Libération
Nomination

Frédéric Veaux, nouveau patron d'une police minée

Le préfet des Landes et ex-«grand flic» prend la direction générale de la police nationale à la suite d'Eric Morvan, qui avait annoncé son départ début janvier. Une nomination accueillie avec enthousiasme par l'institution affaiblie.
Frédéric Veaux à Mont-de-Marsan, le 7 mars 2019. (IROZ GAIZKA/Photo Iroz Gaizka. AFP)
publié le 29 janvier 2020 à 19h36

Rares sont les nominations qui suscitent une telle unanimité. L'arrivée de Frédéric Veaux, 63 ans, à la tête de la Direction générale de la police nationale, a été accueillie par un concert de louanges au sein de la hiérarchie sécuritaire. «Un excellent choix», réagit un ex-directeur central de l'institution, proche de la gauche. «Veaux a le profil idéal pour le poste», renchérit un autre ancien grand flic. «Il a l'avantage d'être à la fois un policier et un préfet qui a réussi, de plus il n'appartient à aucun réseau, c'est quelqu'un de libre», avance un conseiller d'Emmanuel Macron pour justifier ce choix supervisé par l'Elysée. Après des mois d'hésitation, le président de la République a lui-même reçu mardi matin Frédéric Veaux en tête à tête pour clore le dossier.

«On est satisfait que ce soit un policier, c'est un signal très fort», s'est félicité David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN). Un profil qui tranche donc avec celui de son prédécesseur, Eric Morvan, pur produit de la haute administration. Titulaire d'une maîtrise de droit, Frédéric Veaux sort en 1984 de l'Ecole nationale supérieure de police et entame une longue carrière qui va le conduire de la PJ au renseignement, puis à la préfectorale. Après Lille, Nice et Marseille, il est nommé en 1998 à la tête de la PJ d'Ajaccio et participe à l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac. Cinq ans plus tard, il dirige la Division nationale antiterroriste (DNAT) lorsque le suspect de la tuerie, Yvan Colonna, est interpellé dans le sud de la Corse.

Tâche ardue

Début 2010, il change de maison et devient numéro 2 de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, ex DGSI) sous le règne de Bernard Squarcini. Un passage marqué par l'affaire dite des «fadettes», dans laquelle son service a cherché à identifier les sources de journalistes du Monde en marge de l'affaire Bettencourt. Squarcini sera finalement condamné pour cette intrusion, mais Veaux échappe aux poursuites. Après un court détour comme conseiller technique, il est nommé directeur central adjoint de la police judiciaire en 2013 avant de bifurquer vers la préfectorale en 2016, en Mayenne puis dans les Landes.

La tâche qui attend le nouveau directeur général de la police nationale sera forcément ardue à ce poste porté d'avantage sur l'administratif que sur l'opérationnel. Son prédécesseur, Eric Morvan, décrit depuis des mois comme très fatigué, attendait visiblement son remplaçant avec impatience. Frédéric Veaux devra d'emblée se confronter aux travaux, techniques, du futur livre blanc sur la sécurité intérieure. Un dossier où le nouveau patron de la police pourrait se retrouver pris en étau entre d'un côté Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur très politique, et de l'autre Didier Lallement, préfet de police de Paris, âpre négociateur et adepte des rapports de force.

Années de surmobilisation

Frédéric Veaux prend surtout la tête d'une institution affaiblie par des années de surmobilisation sur le terrain, un nombre de suicides élevé et de conditions de travail dégradées. Les syndicats de police et leurs menaces répétées de retrait de la force publique lui rappelleront bien vite cet état de fait. D'autant que son administration est également minée par les multiples accusations de brutalité et d'usage disproportionné d'armes dites intermédiaires (LBD, grenades…), largement documentées ces derniers mois. Le candidat Emmanuel Macron avait fait de l'amélioration des relations entre la police et la population un axe fort de son programme sur la sécurité. Frédéric Veaux peut-il incarner cette intention désormais lointaine ? Sa lettre de mission, qui devrait être envoyée dans les prochains jours, sera un bon indicateur des réelles volontés politiques du gouvernement et du Président pour l'avenir de l'institution.