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Droite

Toujours hanté par 2017, LR cherche les remèdes

Le parti de droite, exsangue depuis la claque reçue à la présidentielle et désuni par l’ère Wauquiez, a établi des priorités pour revenir sur le devant de la scène.
Illustration par Blutch. Prochain ouvrage, coréalisé avec Robber, parution le 31 janvier, «Mais où est Kiki ?» (Dupuis). (Blutch)
publié le 29 janvier 2020 à 20h26

Est-elle fatale, ne l'est-elle pas ? Trois ans ont passé, et la droite se demande encore si la plaie de la présidentielle 2017 est de celles qui cicatrisent. Pour tourner la page François Fillon, la droite s'imagine autrement : aussi modeste que son candidat fut déraisonnable, plus sociale là où il fut très libéral. Et, pourquoi pas, débarrassée d'une primaire dont beaucoup font la mère du désastre. «Le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure.»

Faire profil bas

Trente-six mois de malheur ont imprimé la maxime d'Hérodote sur le corps souffrant de la droite. On a payé cher, à LR, l'hubris du candidat Fillon, engagé à la fin de sa campagne dans une furieuse et solitaire chevauchée antisystème. Chère aussi, la stratégie populiste-identitaire et les insincérités de l'ère Wauquiez. Le parti sait compter : à la fin du quinquennat, il n'aura pas exercé le pouvoir depuis dix ans, plus que jamais auparavant sous la Ve République. Ses principaux responsables affichent donc une modestie de bon aloi, qui doit prouver que la leçon a bien été apprise.

Nul n'illustre mieux cette approche que le consensuel Christian Jacob : porté en octobre à la tête du parti, ce président antipaillettes et mal connu du grand public, se félicite de n'entretenir, comme il le formule auprès de Libération, «aucune logique d'existence personnelle» - là serait même l'un des ressorts de sa victoire. Parmi ses décisions, une opération «vérité des prix» sur le nombre d'adhérents du parti Les Républicains, communiqué sans fard à la presse : 58 000 fin 2019, en baisse de 75 % par rapport à 2017, quand Nicolas Sarkozy à la tête du mouvement en promettait 500 000. Partant de là, on convient humblement chez LR qu'un bon résultat aux prochaines municipales, après la «vague bleue» de 2014, ne réglerait rien, ou presque, de l'avenir national du mouvement. On se livre aussi, plus ou moins ouvertement, à une sévère autocritique de l'état intellectuel de LR : «On a péché par arrogance intellectuelle en considérant qu'il y avait des sujets politiques et d'autres qui ne l'étaient pas», reconnaît le secrétaire général Aurélien Pradié, l'un des animateurs du long chantier programmatique à venir.

Génération «sociale»

«La nouvelle génération est sociale et populaire, c'est l'inverse du fillonisme !» C'est, chez ce cadre LR, un cri du cœur et un projet : aux amères recettes du professeur Fillon, mais aussi au tout-identitaire de Wauquiez, opposer un discours protecteur et compatissant, attentif aux difficultés de la vie quotidienne et principalement tourné vers les classes moyennes. Le futur «chantier des idées» doit en témoigner : parmi ses «grandes causes», il mettra à l'honneur le handicap, l'alimentation et les salaires. «L'expression "grandes causes" n'est pas anodine, ça laisse entendre "droite d'action sociale", estime Aurélien Pradié, grand avocat de cette orientation. Une fois, on préparait des affiches avec les jeunes et j'ai demandé : "Donnez-moi quinze grandes conquêtes de la droite". On a l'IVG, la participation, la laïcité (sic)… La droite, ça n'a pas toujours été François Fillon, le sang et les larmes.» Autre champion de la «droite sociale», le vice-président de Les Républicains Guillaume Peltier en tient, lui, pour une «hausse générale des salaires de 20 %» - moyennant la suppression de toutes les cotisations sociales. Reste à évangéliser un parti où bien des sourcils libéraux se haussent à l'écoute de telles pistes.

Tuer la primaire

«C'est quand même la primaire qui nous met dedans. Avec un autre système, quand les choses ont commencé à mal tourner, on aurait pu dire à Fillon : désolé, mais là…» Les mots sont de Brice Hortefeux, mais ils sont désormais nombreux à y souscrire chez LR. Parce qu'il exacerbe la compétition interne, parce que son électorat n'est pas celui de la présidentielle, parce qu'il rend intouchable le candidat qu'il couronne, et tout simplement parce qu'il a désigné Fillon, le système serait vicié - en tout cas non acclimatable à la droite française. «Je ne suis pas pour une primaire comme on l'a connue, chacun dans son couloir et qui laisse de sacrées cicatrices, abonde le patron des députés LR, Damien Abad. Surtout quand ça dure aussi longtemps et que c'est aussi médiatisé…»

Le dispositif compte certes quelques défenseurs, à l'image du président du Sénat, Gérard Larcher, ou de la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, l'une de ses possibles participants : ceux-ci incriminent le candidat mais pas le système, seule garantie, estiment-ils, contre des candidatures multiples à la présidentielle. Mais à vrai dire, estime un dirigeant de LR, «pour gagner la présidentielle, comme on vient de loin, il faudra un candidat fort. S'il est fort, il s'imposera de lui-même, personne n'osant aller au casse-pipe contre lui ; et si personne n'est fort, eh bien… on est fichu de toute façon».