Roger Holeindre, une des figures historiques du Front national dont il avait été un des cofondateurs, vient de s’éteindre dans la nuit de mercredi à jeudi, des suites d’un infarctus à l’âge de 90 ans. Conscrit de Jean-Marie Le Pen et un de ses plus vieux compagnons de route, Holeindre aura raccroché les armes avant lui.
Surnommé «Popeye» par les vieux briscards de l'aventure lepéniste, il était une des figures les plus représentatives de l'extrême droite française. Parfois jusqu'à la caricature. Dans la panoplie, rien ne manquait, pas un bouton de guêtre à son parcours de «combattant de la cause nationale». Résistant à l'âge de 15 ans par bravade autant que par inconséquence, il parvient à dérober deux mitrailleuses aux Allemands. Mais c'est le côté grande gueule de cet ancien sous-officier, ayant servi dans les paras de la coloniale en Indochine d'abord, puis en Algérie ensuite où il rempile en tant que volontaire, qui fera sa réputation dans toutes les familles de l'extrême droite.
Surtout auprès de la vieille génération de militants frontistes, celle des pieds-noirs, les rapatriés d'Algérie, des défenseurs de l'Algérie française, il incarna cette figure du baroudeur, de l'anticommuniste forcené, du «héros vaincu d'une guerre perdue» parce que trahi «par la lâcheté des élites politiques et les gouvernements successifs», comme le serinent les discours officiels de l'extrême droite. Il s'engage dans les rangs de l'OAS, est brièvement incarcéré, avant d'être amnistié. Il devient alors reporter pour Paris Match, le Figaro Magazine et Magazine Hebdo.
«O, O, O, Occident»
En 1965, il participe à la campagne de Tixier-Vignancour durant laquelle il fera la connaissance de Jean-Marie Le Pen. Chef du service d'ordre des comités Tixier, il fait plus souvent qu'à son tour le coup de poing contre les militants cégétistes. Il réunit aussi autour de lui les jeunes pousses de l'extrême droite renaissante, les Madelin, Longuet et Goasguen au sein des comités de soutien au Sud-Vietnam. Dans un premier temps, tout ce petit monde se réunit dans le cercle du Panthéon, rue Quincampoix à Paris. Roger Holeindre sera par la suite le parrain quasi officiel de la naissance du mouvement Occident en 1964, dissous en 1968 après quelques rixes à la barre de fer avec l'extrême gauche au cri de «O, O, O Occident». Le groupuscule néofasciste réapparaîtra immédiatement sous le nom d'Ordre nouveau.
Dans les années 70, il sinstalle aux commandes d'un restaurant dans le quartier des Halles à Paris, le Bivouac du grognard. Madelin, Longuet et Devedjian viennent y écluser des tournées de derniers verres, avant que le «sous-off» Holeindre ne mette tout le monde d'accord. Le restaurant devient le lieu de rendez-vous de tous ceux qui rêvent de voir renaître un parti de «droite nationale» en France, après l'opprobre collaborationniste. L'ancien lieutenant para Jean-Marie Le Pen en est un habitué. Tout naturellement, Holeindre le suit dans l'aventure de la création du Front national en 1972, dont il va devenir un des vice-présidents. Il y crée le Cercle national des combattants (CNC), sorte d'association d'anciens combattants à la mode frontiste, qu'il alignait en rangs serrés et bérets de paras et autres légionnaires à chaque fête de Jeanne d'Arc, le 1er mai. Les porte-drapeaux campaient en demi-cercle au pied de l'estrade dressée place de l'Opéra où Le Pen prononçait son traditionnel discours. En 1986, à la faveur de la proportionnelle, il fait son entrée au Palais Bourbon comme député de la Seine-Saint-Denis avec 35 autres personnalités frontistes.
Tenue léopard au camp scout
Proche de Bokassa, il reçoit de l’ex-empereur de Centrafrique le château de Neuvy-sur-Barangeon (Cher), qui deviendra le camp scout où se formeront les jeunes pousses du FN. Elles y étaient accueillies dans le hall par un mannequin vêtu de la tenue «léopard» des paras d’Algérie. S’y déroulaient les universités d’été du Front national de la jeunesse, dont un des responsables a été Samuel Maréchal, le père adoptif de Marion Maréchal-Le Pen.
En 1998, à l'occasion de l'une d'elles, il s'en prend violemment à Jack Lang dans son discours de clôture en l'accusant de crime pédophile. En évoquant l'affaire dite «du Corral», un lieu de vie pour enfants en difficulté dont les responsables avaient été accusés de pédophilie, Holeindre parle de «gamins qui étaient prostitués à des gens comme Jack Lang» et d'un «gosse retrouvé mort, sodomisé, la tête dans un seau de merde. Que l'on m'arrête à la sortie si ce n'est pas vrai». Des propos pour lesquels il sera condamné en diffamation.
Ces outrances n’ont jamais nui à sa popularité au sein du FN où, lors de chaque congrès, il arrivait en tête des candidats élus au comité central. Hostile à l’ascension de Marine Le Pen et à sa ligne politique, il prend peu à peu ses distances avec le parti et donc avec Jean-Marie Le Pen. Peu de temps après le congrès de Tours en 2011, qui voit la fille succéder au père, Holeindre quitte le FN, laissant un Le Pen encore un peu plus seul. Aujourd’hui, le Breton de la Trinité-sur-Mer perd l’un des derniers grognards de sa vieille garde frontiste.