Anne Hidalgo, passée par trois cabinets ministériels dans le gouvernement Jospin, entre 1997 et 2002, et élue socialiste au Conseil de Paris depuis 2001, est-elle la candidate du PS ? «Non !» évacuent sans hésitation les cadres de sa campagne, comme si la question était une aberration. La maire sortante est repartie à l'assaut de l'hôtel de ville propulsée par «Paris en commun», une «plateforme citoyenne» repeinte en vert. Zappés, les tampons PS avec le poing et la rose.
«Ce n'est pas en mettant en avant les étiquettes qu'on gagne les municipales, ce n'est pas spécifique à Paris et au Parti socialiste», explique Rémi Féraud, premier secrétaire de la fédération socialiste de Paris et membre actif de la campagne. C'est vrai par nature - l'équation locale compte plus que le parti dans ce type de scrutin -, et d'autant plus dans un contexte de dévaluation des marques politiques. Une plateforme comme Paris en commun permet aussi de dépasser le PS pour agréger les partis qui soutiennent Hidalgo. «Je ne demande à aucun adhérent quelle est sa sensibilité politique, on regroupe des gens qui ne sont pas tous d'accord sur la mondialisation, la sécurité ou l'éducation», affirme Jean-Louis Missika, l'adjoint d'Anne Hidalgo qui pilote la machine.
«Ça ne trompe personne». Martine Aubry à Lille, Johanna Rolland à Nantes, Nathalie Appéré à Rennes ont la même démarche. «Ça dépasse le cadre du PS. Tous les candidats de toutes les familles cachent leur logo, souligne Olivier Faure, le patron du parti. Tout le monde a une liste citoyenne mais ça ne trompe personne. On sait qui est qui. Anne est une socialiste. Après, je peux comprendre qu'elle ne mette pas en avant le logo du PS. Elle est maire sortante et elle mène une liste de rassemblement, de nombreux candidats dans les arrondissements ne viennent pas de cette histoire.» Mais certains, qui en sont issus, n'ont pas apprécié. «Des représentants de sections étaient mécontents que le logo n'apparaisse pas et on a eu des discussions assez musclées pour faire accepter la constitution des listes», reconnaît Missika. Un dirigeant socialiste au cœur de la machine électorale confirme les nombreux mécontentements.
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Centre de gravité. Les personnalités identifiées PS ne sont, elles non plus, pas vraiment mises à l'honneur. Si les têtes de liste dans les arrondissements veulent convier des poids lourds du parti, très bien, mais Hidalgo, elle, n'en a pas besoin, explique son entourage. Eric Lejoindre, maire sortant du XVIIIe arrondissement, s'est ainsi affiché avec Lionel Jospin lors de son meeting de lancement de campagne. L'équipe presse de Hidalgo attire, elle, plutôt l'attention sur la présence de Yann Arthus Bertrand lors de sa soirée. Contrairement à Olivier Faure, par exemple, qui n'avait pas été convié. «Il y avait Rémi Féraud, moi… ce sont nous les poids lourds, les gens qui comptent, juge Emmanuel Grégoire, directeur de campagne de la maire sortante. Le modèle où les ténors venaient adouber les candidats locaux est révolu.»
L'enjeu pour la socialiste : apparaître comme l'incarnation de la gauche écolo à Paris. EE-LV l'a bien compris, et tente de renvoyer l'équipe de Paris en commun à la vieille machine PS. Ils disent «les socialistes» et parlent de «gauche productiviste». «On assume l'étiquette de gauche mais on ne veut pas s'y réduire», explique Emmanuel Grégoire. Il cite Jean-François Martins, conseiller Modem, ou encore Missika. Dans le documentaire d'Yves Jeuland sur la campagne de 2001, on entend celui qui a piloté le programme d'Anne Hidalgo, à l'époque engagé auprès de Bertrand Delanoë, affirmer : «Les militants PS, c'est une race que je ne connais pas. J'ai regardé le programme du PS, c'est un programme très à gauche, avec ça on est sûr de perdre.» En 2017, il a soutenu Emmanuel Macron et n'a jamais vraiment rompu. Plus centriste que gauchiste.
C'est ainsi que le camp Hidalgo entend incarner le centre de gravité de la «coalition climat» proposée par David Belliard. Dans la version du candidat écologiste à Paris, l'union va de Danielle Simonnet (LFI) à Cédric Villani (dissident LREM). Dans celle de Paris en commun, exit l'insoumise - «elle-même l'exclut» et ses «mots sont trop durs». En attendant les tractations du second tour, l'entourage de Hidalgo fait de la théorie politique. «Les municipales sont le bon moment pour permettre aux partis de se repenser, juge Grégoire. Je ne pense pas que les partis soient morts mais le cadre est à repenser. Est-ce que ça viendra des partis eux-mêmes ou est-ce qu'une initiative comme Paris en commun en sera la matrice ?»