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A Paris, sur le marché du XVe, des électeurs LR remontés

Devant les étals de Saint-Charles, à Paris, les deux candidats LR concurrents, Philippe Goujon et Agnès Evren, essaient de convaincre des sympathisants perdus.
Philippe Goujon à Paris en 2016 et Agnes Evren à Trevenans, en 2019. (Rouy/Photos AFP)
publié le 3 février 2020 à 19h01

«Goujon ? C'est un traître, et vous pouvez lui dire !» La passante lève le nez et poursuit son chemin, sous le regard malheureux du militant qu'elle éconduit. De chaque étal semble surgir un porteur de tracts, ce vendredi matin au marché Saint-Charles, dans le sud du XVe arrondissement de Paris. Il y en a pour toutes les sensibilités. D'un trottoir à l'autre, l'électeur de droite peut même comparer les mérites de deux listes rivales, et méditer sur l'infortune de son camp.

Côté pair de l'avenue, voilà Philippe Goujon : on aborde de tous côtés le maire sortant du XVe, avenant sexagénaire qui arpente les lieux en habitué. Il s'agit parfois d'encourager celui qui brigue son troisième mandat depuis 2008 ; on essaie, surtout, de comprendre à quoi s'amuse la droite locale. «Je voudrais, l'arrête un passant, que vous m'expliquiez très simplement votre problème avec Rachida Dati.» C'est limpide, répète à chaque fois l'élu : «Elle a mis une liste contre moi parce que je suis en désaccord avec sa stratégie. Tous les sondages disent que LR ne peut pas gagner seul. Or LR ne veut s'allier avec personne. Moi, je veux qu'on se rassemble contre Anne Hidalgo.»

Indigné

Témoin inquiet du déclin de son parti et de l'essor du macronisme, Goujon prévoit de soutenir, après le premier tour, le candidat «le mieux placé» pour battre la socialiste. Peut-être Dati, bien qu'il n'y croie guère ; ou bien l'un des deux représentants du macronisme, Benjamin Griveaux, l'officiel, et Cédric Villani, le dissident. «Mais alors, tu votes pour qui ?» lui lance un sympathisant perplexe. «On verra au second tour, et si c'est Dati, c'est Dati, hein…» répond l'élu. Et puis, susurre-t-il, «sur ma liste, il y a le sénateur Pierre Charon, un proche de Sarko». Soulagement de l'interlocuteur : «C'est ça qu'il faut dire, pour les militants.» Dimanche, une autre sarkozyste, l'ancienne porte-parole de LR Lydia Guirous, a annoncé son ralliement au maire sortant.

Rachida Dati comptait, on s'en doute, sur un plus ferme soutien, et ne manque pas une occasion de le faire savoir : «L'autre jour, au marché, elle m'a traité de traître devant tout le monde, rapporte Goujon, qui n'en revient toujours pas. Elle lançait aux gens : "Arrêtez, il n'est plus de droite !"» Indigné par les accusations de racisme à son encontre (lire ci-contre), l'élu se dit «à deux doigts de la plainte en diffamation».

«Clarté»

Ces épisodes ne sont pas de nature à le rapprocher d'un parti qui, le 22 janvier, a chargé l'eurodéputée Agnès Evren, présidente de la fédération LR de Paris, de lui faire concurrence. «L'accueil est formidable !» lance la candidate officielle, installée ce matin-là côté impair de la rue, à qui l'on promet une partie difficile. «Personne ne comprend que Philippe n'ait pas joué collectif, affirme-t-elle. Il est très déstabilisé par sa défaite aux législatives de 2017 face à En marche. Sa ligne, c'est "je vote pour le gagnant" ? Moi, je combats pour la clarté : ça fait vingt ans qu'on perd à droite parce que chacun protège son petit village. Si Philippe avait tendu la main, j'aurais tout de suite retiré ma candidature.» Mais ce vendredi, dans le XVe arrondissement, personne n'a traversé la rue.