L'affaire Mila, révélateur de la «lâcheté» d'une partie de la classe politique quand il est question d'islam ? C'est ce que martèlent le Rassemblement national, une bonne part de la droite et la gauche de type Printemps républicain en ciblant le «communautarisme électoral» des socialistes et des insoumis, accusés de n'être pas montés suffisamment vite et fort en défense de l'adolescente menacée de mort pour ses propos du 18 janvier. Beaucoup de ces accusateurs s'empressant de trouver en Mila, qui n'en demandait pas tant et qui l'a dit, un totem raccord avec leur cause.
Cette récupération, d'abord par la fachosphère (le site Bellica a le premier recueilli son témoignage), a en partie justifié non pas l'indifférence mais la prudence, et même une forme de tétanie, chez certains à gauche. Pour ne pas mêler leurs voix à celles des obsédés de l'identité, en particulier à l'extrême droite, qui ont fait de Mila leur héroïne à l'insu de son plein gré, davantage que pour ménager une quelconque clientèle électorale, les principaux responsables de gauche n'ont pas promptement embrayé. Mais ils n'ont pas fauté : «Oui, je suis Mila», a dit à plusieurs reprises le patron du PS, Olivier Faure. Tout comme les leaders de LFI Jean-Luc Mélenchon ou Adrien Quatennens. Ce qui n'a pas empêché l'ex-premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis d'agonir ses anciens camarades dans une note de blog, jugeant que «du pataquès de la manifestation du 10 novembre [la marche contre l'islamophobie, ndlr] à "l'affaire" Mila, la gauche ne sa[vait] plus protéger les Français musulmans en étant intraitable avec le séparatisme intégriste au nom de l'islam.»
Si, dans le champ politique, pas une voix majeure n'a manqué finalement pour considérer Mila comme la victime de cette histoire, certains ont interrogé non pas le fond mais la forme qu'a prise - dans une story Instagram dont l'audience aurait dû rester limitée - l'expression par l'adolescente de son rejet des religions en général et de l'islam en particulier. «Critiquer une religion, ça n'empêche pas d'avoir du respect, de l'éducation, de la connaissance, de l'intelligence par rapport à ce qu'on dit», a souligné Ségolène Royal en terrain miné. Oui à la critique, mais non à l'insulte en somme. La position va au-delà du droit. D'où le tollé quand la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, est allée jusqu'à affirmer que «l'insulte à la religion» est «évidemment une atteinte à la liberté de conscience». La ministre a ensuite rétropédalé, reconnaissant une «maladresse» puis finalement une «erreur». A LR, le président du groupe à l'Assemblée, Damien Abad, a, lui, été ciblé par son collègue Guillaume Larrivé pour avoir affirmé que la liberté d'expression s'arrête à «la haine de la religion». Quand la loi pose comme barrière la haine des croyants.