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Libération
Rouen

Lubrizol : un rapport pointait en septembre les failles du dispositif anti-incendie

Treize jours avant la catastrophe, l’assureur du groupe américain avait une nouvelle fois donné l'alerte sur ces manquements, selon un document révélé par «le Monde».
Une photo de l'incendie de l'usine chimique classée Seveso de Lubrizol, détruite par un incendie le 26 septembre 2019 à Rouen. (Philippe LOPEZ/Photo Philippe LOPEZ. AFP)
publié le 8 février 2020 à 15h08

L'usine Lubrizol classée Seveso à Rouen savait et connaissait les risques d'incendie, selon un rapport dévoilé ce samedi par Le Monde. Le 13 septembre 2019, soit treize jours seulement avant l'incendie, une inspection de FM Global, l'assureur du groupe américain, avait pointé les failles du dispositif anti-incendie de l'usine chimique qui ont conduit à l'accident.

Ce document d'une quinzaine de pages est sans équivoque : «Lors d'un incendie, les conteneurs intermédiaires en plastique (IBC) fondraient rapidement et le liquide combustible et/ou inflammable se répandrait sur le sol, créant comme un grand feu de piscine», est-il écrit. Les deux experts indiquent également : «En raison de l'insuffisance d'espace de séparation et du manque de systèmes de confinement et de drainage adéquats, ce feu se propagerait rapidement à l'ensemble du bâtiment A5, entraînant sa destruction totale, et pourrait même s'étendre aux bâtiments environnants. Ce qui pourrait conduire à l'arrêt des activités d'enfûtage du site pendant plusieurs semaines ou mois avant qu'une solution temporaire ne soit trouvée.»

Comme le souligne le quotidien du soir, ce que décrit le rapport est exactement ce à quoi ont été confrontés les pompiers en arrivant sur le site le 26 septembre vers 3 heures du matin. Le bâtiment A5 contenant 5000 tonnes de produits combustibles a notamment bel et bien été détruit.

Des manquements relevés depuis 2014

Dans le diagnostic, la compagnie d'assurances s'inquiète de l'absence «de plan de protection pour le stockage des conteneurs en plastique ou des fûts en métal à l'intérieur du bâtiment A5» et préconise plusieurs «actions correctives». Autre inquiétude pointée dans le rapport : la performance des sprinklers - sortes de douches automatiques censées protéger conteneurs et fûts. Le jour de l'incendie, ils se sont déclenchés trop tôt. La compagnie appelait à renforcer ce système de sprinklers et à l'améliorer pour qu'il diffuse de la «mousse» produite à partir d'une solution aqueuse et pas seulement de l'eau, insuffisante dans ce genre d'incendie.

Les assureurs ont aussi prévenu l'usine que le système de rétention du bâtiment doit, lui aussi, être amélioré. Un point soulevé également par le parquet de Paris après l'incendie, qui a relevé «un dispositif de confinement insuffisant n'ayant pas permis de collecter l'ensemble de la nappe enflammée». Ce point a conduit le parquet à élargir l'enquête contre X, ouverte initialement pour mise en danger d'autrui, en pointant des manquements de sécurité de la part de Lubrizol ayant porté une «atteinte grave à la santé, la sécurité ou dégradé l'environnement».

Contacté par Le Monde, Lubrizol se défend et assure que «les équipements du site de Rouen étaient, le jour de l'incendie, conformes à la réglementation en vigueur». Ils ajoutent qu'ils ont «investi plus de 100 millions d'euros dans le domaine de la sécurité». Si le groupe assure réaliser des audits régulièrement pour pouvoir «mettre en œuvre des préconisations», il s'avère pourtant que chaque rapport annuel depuis 2014 relevait le même type de manquements et listait les mêmes préconisations, a pu constater Le Monde.