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Libération

Handicap : Macron voit grand, les assos l’attendent au tournant

Le Président a dévoilé mardi les trois axes de son plan : l’école, les places en structures et l’amélioration dans l’accès aux aides. Des mesures ambitieuses qui méritent des «moyens adéquats».
Emmanuel Macron, lors de ses annonces de mardi à l’Elysée. (Photo GONZALO FUENTES. AFP)
publié le 11 février 2020 à 21h01

Il aura fallu attendre trois années post-promesses de campagne et la date symbolique du 11 février (exactement quinze ans après l'adoption sous Chirac de la loi sur «l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées») pour qu'Emmanuel Macron expose sa stratégie nationale à propos de la «Grande Cause Handicap». Mardi matin, à l'occasion de la cinquième conférence nationale du handicap, le chef de l'Etat s'est exprimé durant presque une heure pour décliner les mesures de sa «philosophie radicalement nouvelle». Concrètement, ça veut dire quoi ? A priori, le projet veut mettre le paquet sur trois «priorités» : l'école, les places en structures et l'amélioration dans l'accès aux aides.

Vigilance

Pour l'école, l'objectif du Président semble limpide : «Plus aucun enfant ne doit être laissé sans solution de scolarisation» en septembre. A la rentrée 2019, ils étaient 8 000 élèves à ne bénéficier d'aucun accompagnement, privés de facto de leur droit d'aller à l'école. «Ce 8 000 doit passer à zéro», a insisté le chef de l'Etat. Pour atteindre sa promesse, le gouvernement veut introduire un «module handicap» dans la formation initiale des professeurs des écoles et des enseignants du secondaire. Et entend surtout créer 11 500 postes supplémentaires d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) d'ici à 2022, en misant sur une politique de revalorisation de la profession : «Nous devons offrir à ces personnes des contrats dignes. C'est le seul moyen de continuer à les recruter et à les stabiliser dans l'emploi», a martelé Emmanuel Macron.

Pour Marion Aubry, vice-présidente de l'association Tous pour l'inclusion (Toupi), ces mesures annoncées «vont dans le bon sens» mais restent largement insuffisantes pour atténuer sa vigilance. «J'ai du mal à croire que tout sera réglé en sept mois, dit-elle. Le groupe de réflexion sur les problèmes d'attractivité du métier d'AESH n'est même pas encore lancé par le gouvernement. Il n'y a pour l'heure aucune piste concrète. De même, on nous annonce des formations spécifiques, mais elles ne concernent que les futurs enseignants. Que fait-on de ceux qui sont actuellement dans les classes de nos enfants ?»

Autre mesure dévoilée pour les enfants : le «forfait diagnostic», instauré par le plan autisme pour les enfants de 0 à 6 ans, devrait être étendu aux 7-12 ans ainsi qu'à l'ensemble des «troubles Dys» (dyslexie, dysphasie, dyspraxie).

Pour pallier le manque criant de places en structures et enrayer le phénomène d'exil en Belgique (où 1 500 enfants et 6 500 adultes seraient pris en charge à l'heure actuelle), le chef d'Etat a également confirmé la création de 3 500 places supplémentaires en établissements spécialisés. «On ne peut pas rester dans cette situation. Moi je ne veux plus d'ici à fin 2021 de départ contraint à l'étranger. Ce n'est pas décent pour une nation comme la nôtre», a-t-il admis. Des paroles saluées par Alain Rochon, président de l'association APF France Handicap, qui reste pourtant sur ses gardes : «Deux ans pour créer autant de places ? Je demande à voir. C'est bien de viser ambitieux, mais le budget voté en 2020 est minuscule. Il faudra que le gouvernement mette le paquet sur celui de 2021 s'il veut atteindre son objectif. Chiche !»

Dernier axe : l'amélioration dans l'accès aux droits et aux aides financières. Comme prévu, le chef d'Etat a annoncé la mise en place, pour janvier 2021, d'un numéro d'appel unique - le 360 - pour répondre au désespoir des familles en manque de solutions. Et pris l'engagement de réduire, dès l'année prochaine, les délais d'examen des demandes pour l'allocation adulte handicapé (AAH) à «trois mois maximum». L'Etat allouera 25 millions d'euros annuels en 2021 et 2022 pour aider les Maisons départementales des personnes handicapées à gérer l'abondance des dossiers qui s'accumulent. Par ailleurs, Emmanuel Macron a assuré que cette AAH ne sera «jamais transformée, diluée ou supprimée» au bénéfice du futur revenu universel d'activité - une déclaration plus que bienvenue face aux inquiétudes de plus en plus vives des associations à ce sujet.

«Objectifs forts»

L’autre bonne nouvelle vient de l’extension envisagée pour la prestation de compensation du handicap (PCH). Actuellement, ce dispositif englobe principalement les aides financières médicales (prestations à domicile notamment) et techniques (fauteuil, lit médicalisé, porte-personne). Le gouvernement souhaiterait que cette PCH intègre dès 2021 l’aide à l’alimentation, mais aussi l’assistance apportée par un tiers à un parent handicapé pour s’occuper de son enfant.

Globalement, donc ? «Les paroles du Président sont mobilisatrices, les objectifs forts, c'est vrai qu'on s'y retrouve, mais on attend de voir si les annonces vont être suivies de moyens adéquats», résume Arnaud de Broca, président du collectif Handicaps, qui regroupe les plus grosses associations du secteur, telles que l'Unafam et l'Unapei. «Emmanuel Macron était dans son rôle. On demande à voir les traductions concrètes de ce beau discours.»