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Libération
Interview

Catastrophe de Furiani : plus de match les 5 mai, propose un député

Vingt-huit ans après le drame, une proposition de loi examinée jeudi à l'Assemblée prévoit de n'organiser aucun match professionnel le jour anniversaire.
Au stade de Furiani le 5 mai 1992. (ERIC CABANIS/Photo Eric Cabanis. AFP)
publié le 12 février 2020 à 6h45
(mis à jour le 12 février 2020 à 6h45)

«Pas de match le 5 mai» : c'est, depuis des années, la revendication des victimes de la catastrophe de Furiani et de leurs sympathisants. Le 5 mai 1992, à quelques minutes du début d'une demi-finale de Coupe de France opposant le Sporting Club de Bastia à l'Olympique de Marseille, une tribune provisoire du stade corse s'effondrait, faisant 18 morts et près de 2 500 blessés.

Ce n'est qu'en 2015 que l'Etat et les instances du football professionnel ont convenu de ne plus organiser de rencontres de football le 5 mai, lorsque ce jour tombe un samedi. Insuffisant pour le collectif des victimes, qui réclamait une neutralisation de tous les 5 mai. Ce principe figure dans une proposition de loi portée par le député de Haute-Corse Michel Castellani (groupe Libertés et Territoires, dont sont membres trois députés corses nationalistes), qui sera examinée jeudi en séance.

Quelle est votre proposition ?

Lors des journées parlementaires du groupe Libertés et Territoires, nous nous étions engagés à porter cette proposition sitôt que nous disposerions d'une niche parlementaire. Elle ne comprend qu'un seul article, qui propose le gel des parties de foot professionnel chaque 5 mai, pour en faire un jour de mémoire. Nous n'avons pas voulu y intégrer le foot amateur, qui n'est pour rien dans la catastrophe.

Le système précédent n’a jamais satisfait les victimes…

Il s’agissait au moins d’une avancée notable, la première en vingt-trois ans, obtenue par l’engagement du ministre des Sports Thierry Braillard. Il a fallu attendre tout ce temps pour que soit posée une plaque mémorielle au ministère… On parle tout simplement de la plus grande catastrophe du sport français. Ma proposition a été adoptée en commission par l’ensemble des groupes politiques, y compris La République en marche. Je vois donc mal comment ils pourraient se déjuger en séance.

Comment les instances du foot professionnel ont-elles réagi à votre proposition ?

Nous les avons reçues et elles voient d'un très mauvais œil qu'on intervienne dans leur domaine. Elles n'ont jamais rien fait. Nous avons donc eu une finale de Coupe de la Ligue tenue un 5 mai [en 2001, ndlr]. Et en 2010, c'est un 5 mai que l'OM a eu à fêter son titre de champion de France… Les instances, pour éteindre l'incendie, nous ont proposé d'autres solutions, par exemple de retarder le début des parties chaque 5 mai, comme cela se fait en Angleterre pour commémorer la catastrophe du Hillsborough le 15 avril 1989 [96 morts, ndlr], ou encore le port d'un brassard. Cela peut s'entendre, ça n'a rien de ridicule, mais ce n'est pas notre position.

Je veux dire que c’est l’aspect humain qui est important pour nous, pas la décision froide de bloquer une journée ou d’embêter les gens. Notre moteur, c’est de voir encore des gens qui pleurent leurs enfants morts, d’autres en fauteuils roulants dont la vie a été brisée. Il s’agit de permettre à ces gens de voir leurs souffrances reconnues. Si vous rapportez le nombre de victimes à la population corse, cela représente quelque chose comme 600 000 blessés pour toute la France. Ce n’est pas un drame local, c’est une catastrophe nationale.

Où étiez-vous le 5 mai 1992 ?

Au stade, avec mon gosse. Il était sur la partie qui devait s’effondrer, moi plus bas. C’était une énorme tribune, elle montait très haut, elle semblait bringuebalante. Comme cela ne me disait rien qui vaille, je l’ai fait descendre près de moi. Puis nous avons entendu un épouvantable bruit, comme un train qui passe. Je me suis retourné et, deux rangs derrière moi, il n’y avait plus rien. On est descendus vers la pelouse, j’y ai balancé mon fils et suis remonté voir ce qui se passait en haut. C’était catastrophique. Je suis resté tant qu’il a fallu pour donner un coup de main.