Mardi soir : Bally Bagayoko est avachi sur un siège du hall d’accueil du Novotel de Saint-Denis. La fatigue gagne du terrain. Le candidat de La France insoumise dort peu la nuit et bouge beaucoup le jour. Il se redresse, commande un café et déroule le fil de sa campagne. On surveille la trajectoire de ce quadra depuis des années. Un gars qui parle lentement, à voix basse et qui prend rarement la lumière. Un compagnon de route discret.
Il a décidé de forcer son destin en se présentant dans la ville qui l’a vu grandir. Un défi de taille. Saint-Denis se développe à la vitesse de la lumière. Les projets y pleuvent, entre le Grand Paris, les JO 2024 et les investisseurs qui s’installent dans les parages pour faire fortune. Et la situation politique est tendue. La candidature de l’insoumis fait jaser les communistes et trouble le paysage local. Les rouges, qui dirigent Saint-Denis depuis 1944, risquent de perdre la bataille à la mi-mars. L’ex-député socialiste Mathieu Hanotin, lui, a les crocs. Il arpente le terrain jour et nuit dans l’espoir d’enfiler la couronne. La baston sera rude.
Résultat : les communistes regardent Bally Bagayoko de travers. Ils l’accusent de diviser la famille. Pas un hasard : l’enfant du coin travaille avec eux depuis 2001. Il y a eu des hauts et des bas.
A lire aussi l'épisode précédent, à Saint-Ouen
Après un long moment d'hésitation, l'insoumis - qui n'a jamais eu sa carte d'adhérent au PCF - a plongé dans le grand bain. «Les communistes pensaient que je n'irais pas au bout et que je me rangerais derrière eux avant le premier tour», explique-t-il, «déterminé». Bally Bagayoko répète à l'envi que la guerre ne l'intéresse pas. L'ancien basketteur aurait préféré que les choses ne tournent pas autour de lui.
L'insoumis regarde en arrière, lorsqu'il a décidé de ne pas se présenter aux législatives de 2017 pour ne pas faire de l'ombre à Stéphane Peu, le candidat PCF qui a gagné sur le fil. Il attendait sans y croire un renvoi d'ascenseur. Un communiste rigole nerveusement : «Bally pensait vraiment que notre maire sortant, Laurent Russier, ne se représenterait pas pour lui laisser la place ?»
La bataille est lancée. Le candidat insoumis est en mission. Il tente de convaincre les sceptiques que son aura dépasse les cités de la ville. Il a mis du temps avant de se sentir légitime. Il a forcé sa nature. Bally Bagayoko croit en la victoire - en même temps, on tombe rarement sur des candidats qui annoncent leur défaite à quelques semaines d'un scrutin… Il ne cogne pas vraiment sur ses adversaires. Et il refuse «d'insulter l'avenir». L'insoumis dit seulement : «Peu importe le résultat, ça ne sera plus jamais comme avant.»