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Fichage

Fnaim : l'idée d'une liste noire des locataires «en pause»

L'organisation professionnelle de l'immobilier, avait annoncé son intention de créer un listing des locataires «mauvais payeurs». Vendredi son président a indiqué sur Twitter le report de son projet.
Jean-Marc Torrollion lors d'un congrès de la Fnaim en décembre 2017. (photo Eric Piermont. AFP)
publié le 14 février 2020 à 20h59

La Fédération nationale de l'immobilier lève le pied sur son fichier des impayés locatifs. Mi-janvier, elle avait annoncé son intention de mettre en place cet outil dans lequel figureraient les noms des locataires qui ne régleraient pas leurs loyers pendant trois mois. Ce qui a valu au président de l'organisation professionnelle une convocation par la Commission nationale de l'informatique et des libertés ce mercredi, comme l'avait révélé Libération. Une audition qui a duré une heure trente. «Après notre réunion de travail à la Cnil, nous comprenons que les conditions techniques ne sont pas réunies pour créer un fichier des impayés locatifs, a tweeté vendredi Jean-Marc Torrollion, le président de la Fnaim. Nous poursuivrons le dialogue plus que jamais nécessaire avec les pouvoirs publics pour rétablir la confiance propriétaires locataires.»

Selon nos informations, outre la convocation par la Cnil, des échanges ont eu lieu aussi entre le dirigeant de la Fnaim et le ministre du Logement, Julien Denormandie. Ce dernier lui a «demandé de calmer le jeu» nous a indiqué une source dans les milieux de l'immobilier. D'ailleurs, le ministre, qui a indiqué à plusieurs reprises son opposition à une «société des listes noires» a réagi pour se féliciter de ce report et confirmer qu'il y a eu discussion. «Je salue la décision de la Fnaim de surseoir à cette idée de fichier. Cela fait suite à un dialogue constructif avec son président», a-t-il souligné sur Twitter. Mais, pour l'instant il ne s'agit a priori que d'un report. «C'est une pause» mais non «un renoncement total» indique l'AFP, citant la Fnaim.

«Stigmatisation»

Manifestement, le syndicat professionnel n'a pas vraiment abandonné l'idée de créer ce fichier controversé, dont ne veulent pas entendre parler les organisations de consommateurs comme la CLCV ou les associations de locataires CNL et CGL (1). Elles dénoncent pêle-mêle, «un projet dangereux», «attentatoire à la vie privée»«source de discriminations et de stigmatisation», «qui va blacklister une partie de la population».

Quiconque figurerait dans cette liste – qui ne serait consultable que par les professionnels de l'immobilier – serait exclu du marché locatif sur lequel opèrent les agences. De fait, son objet même est d'écarter les «mauvais payeurs» qui se présenteraient pour candidater pour un logement proposé à la location. Le fichier ne s'embarrasserait pas de savoir pour quel motif les gens n'ont pas payé leur loyer (séparation conjugale, maladie, chômage…). Il ne ferait pas le tri entre les locataires en difficulté et les occupants de mauvaise foi.

Dans un communiqué publié vendredi, la Fnaim indique que «l'enjeu n'a jamais été de ficher les accidents de la vie mais de circonscrire le risque [de l'impayé] pour les propriétaires». Mais force est de constater, que les impayés résultent souvent d'une baisse des revenus provoquée par les problèmes inhérents à la vie professionnelle ou personnelle. Et le fichier ne fera pas la différence entre ces situations et les locataires indélicats.

Du reste, les statistiques du ministère de la Justice montrent que l’impayé est rare : 147 000 procédures (2) ont été engagées pour ce motif par les bailleurs en 2017 pour obtenir devant les tribunaux l’expulsion de leur locataire défaillant pour un total de 11,5 millions de logements locatifs (6,6 millions dans le privé et 4,9 millions dans le parc public).

«Autres solutions»

Concernant son audition par la CNIL mercredi, la Fnaim parle dans un communiqué de presse publié vendredi d'un «échange constructif et pédagogique [qui] a permis de faire un point précis autour de ce projet [de fichier]». Elle indique que la mise en place éventuelle d'un tel outil devra faire au préalable «l'objet d'une étude d'impact». L'organisation professionnelle se dit aussi «ouverte à d'autres solutions».

Outre que l’impayé de loyer est rare (1,3% des procédures judiciaires concernent ce problème en 2017 selon le ministère de la Justice), les propriétaires peuvent se protéger en souscrivant une assurance qui coûte entre 3 et 4% du montant du loyer (30 à 40 euros pour un loyer de 1 000 euros par exemple). Action logement, le collecteur du 1% logement, a mis en place en collaboration avec le ministère du Logement, la garantie Visale, ouverte à tous les jeunes (étudiants et actifs) de moins de 30 ans, et les salariés de plus de 30 ans en situation professionnelle précaire (période d’essai, CDD, intérim). Visale garantit le paiement du loyer en cas de défaillance du locataire. Ce qui est mieux qu’une liste noire.

1) Consommation Logement Cadre de vie, Confédération nationale du logement, Confédération générale du logement
2) Infostat justice numéro 167, mars 2019.