«A ceux qui disent que Clermont-Ferrand est irrémédiablement à gauche, j'adresse cette pensée : le plateau de Gergovie rappelle combien devant l'adversité, nous sommes capables de prouesses. N'est-ce pas Vercingétorix qui, place de Jaude, symbolise l'énergie des Clermontois ?» : on l'aura compris, Jean-Pierre Brenas, candidat LR, se lance à la conquête d'une ville réputée imprenable. En se présentant en homme du terroir. Il siège en effet depuis vingt ans au conseil municipal clermontois, et depuis 2015 au conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes présidé par Laurent Wauquiez. «Nul besoin de tout révolutionner pour tout changer. Je veux travailler à l'auvergnate, faire simple, efficace, fonder sur ce qui existe avec une préoccupation : économiser l'argent public et ne pas augmenter les impôts.»
Aux municipales précédentes, il a rassemblé 41,34 % des voix. Mais si Vercingétorix a fédéré une partie des peuples gaulois, les sempiternelles divisions de l'opposition évoquent plus Alésia que Gergovie. En 1995, Valéry Giscard d'Estaing avait tenté un repli dans la cité des Arvernes. Il s'était cassé les dents sur la casquette de drap bleu de Roger Quilliot. Cacique du PS, l'ancien ministre du Logement refuse alors de laisser la ville «à la giscardie» et repart pour un dernier mandat. C'est lui qui met le pied à l'étrier à l'actuel maire, Olivier Bianchi. Le jeune militant ne cache pas son projet, devenir un jour édile de la cité des Jaunards. En 2001, VGE envoie son assistante Paule Oudot au charbon. Mais la droite est ventilée aux quatre coins de Clermont… En 2008, le ministre de l'Immigration Brice Hortefeux renonce à se présenter.
Industrie
Aujourd’hui, Eric Faidy (LREM), Jean-Pierre Brenas (LR), Steven Seksek (Les Patriotes) et Anne Biscos (RN) dynamitent tout espoir de rassembler le centre et la droite. Alors que le député Modem Michel Fanget vient de se rallier à Jean-Pierre Brenas, d’autres membres de son parti se présentent aux côtés du candidat LREM. Nouveau venu dans la course, Eric Faidy rêve de scores électoraux à faire trembler la terre clermontoise aussi fort que les supporteurs de l’ASM pendant la finale du Top 14 en 2017.
Mais les électeurs restent ambivalents face à ce haut responsable de chez Michelin. Son local de campagne fait régulièrement les frais des colères à l'égard de la majorité présidentielle. Le patron du Bibendum, Florent Menegaux, a clarifié sa position : «Il n'y a pas de campagne électorale chez Michelin. Je félicite Eric Faidy pour son engagement, mais je rassure Olivier Bianchi, il n'y a pas de candidat Michelin et l'entreprise travaillera avec la ville quoi qu'il arrive.»
Car les choix de la seule entreprise du CAC 40 à conserver son siège en dehors d'Ile-de-France restent structurants à Clermont-Ferrand. Michelin et métropole travaillent ensemble pour métamorphoser la place des Carmes et l'entrée du siège social de la multinationale. Progressivement les friches industrielles changent de destination. Hall 32, un centre des métiers de l'industrie flambant neuf s'est implanté dans des locaux mis à disposition par le fabricant de pneumatiques. Mais au grand désarroi des visiteurs, ici le tramway évite soigneusement la gare SNCF parce qu'il est «sur pneu», forcément. Ce choix interdisait pour des raisons techniques de pousser la ligne jusqu'à la gare. Alors est-ce qu'une population au passé ouvrier de «cols bleus» peut voter pour un «col blanc» ? Eric Faidy se voit en «premier maire écologiste de Clermont-Ferrand» et propose «d'en faire une ville verte et solidaire».
L'écologie, c'est, comme ailleurs, le credo de la campagne. Chaque candidat clermontois lave encore plus vert que vert : planter des arbres, créer des fermes urbaines, mais aussi afficher la couleur sur les tracts de campagne, porter des cravates vertes… Pas sûr que ce greenwashing réjouisse les habitants au point de les faire changer d'herbage.
Tactique
Le maire socialiste Olivier Bianchi reconnaît n'avoir «pas suffisamment anticipé la mutation autour du vélo. Il manque des pistes cyclables». Il revendique à son actif écologique de ne pas avoir privatisé les énergies et la gestion de l'eau. Le renouvellement urbain, la mobilité, les investissements novateurs pour la petite enfance et la candidature «capitale européenne de la culture 2028» font muter l'agglomération en métropole européenne. Un souhait cohérent avec la tenue depuis quarante-deux ans, au cœur de l'hiver, du Festival international du court métrage. Pendant une semaine la ville grouille de cinéastes et de cinéphiles venus du monde entier. Stratège, l'ex-président de l'Unef-ID locale sait rassembler. Sa liste fait cohabiter des militants PS avec des candidats EE-LV et PCF, Génération·s, PRG, Place publique, Nouvelle Donne. Ne manquent à ce pack que Philippe Fasquel (Cause commune, une liste citoyenne), Marie Savre (LO) et Marianne Maximi (LFI).
Un petit arrangement habituel puisque aux élections municipales précédentes, les candidats EE-LV et communistes figuraient déjà sur sa liste. La tactique eut pourtant des effets limités. Les voix du leader historique de l’extrême gauche locale, Alain Laffont, mort en 2018, furent nécessaires au second tour pour conserver la mairie. La situation peut se reproduire avec Marianne Maximi, qui a repris le flambeau. Elle bénéficie d’un capital sympathie dans les quartiers populaires, chez les déçus d’EE-LV et chez les gauchistes du cru.