Menu
Libération

A l’hôpital, la médecine du travail craque

publié le 18 février 2020 à 21h01

On n'a jamais autant parlé du mal-être au travail. Pourtant, jamais la médecine du travail n'a été aussi mal en point, dépourvue de moyens, et régie par une réglementation de plus en plus lâche. C'est aussi vrai à l'hôpital, un comble. Un exemple de cette situation ubuesque ? A Paris, dans les hôpitaux de l'AP-HP, c'est un délitement progressif. A Tenon (XXe arrondissement), sur les deux postes de médecin de travail prévus, aucun n'est occupé idem à Saint-Louis (Xe), Saint-Antoine (XIIe) et à Robert-Debré (XIXe). La Dr A. a travaillé dans un hôpital parisien ces deux dernières années, avant de démissionner. Elle témoigne : «J'ai l'impression d'avoir abandonné mon poste, avec un énorme sentiment de culpabilité. Mais si je restais, je craquais.»

Les fonctions de médecin du travail ne sont pas anecdotiques : il s’agit de rencontrer tous les nouveaux salariés lors de leur embauche, puis de les suivre, de surveiller les risques en tous genres auxquels ils sont exposés.

«Au départ, nous étions deux, raconte-t-elle. Deux pour 3 500 salariés. Puis ma collègue est partie. J'ai été seule alors que dans les textes du code de travail il faut un médecin pour 1 500 salariés.» Malgré les promesses de la direction, elle ne sera pas remplacée. Très vite débordée, la Dr A. n'a même plus le temps de recevoir les nouveaux salariés. «Les deux tiers de mes consultations, c'était du personnel qui me demandait un rendez-vous. Deux à trois personnes par jour, bien souvent en larmes. Elles évoquaient toujours le même thème, elles disaient qu'elles n'y arrivaient plus, qu'elles pensaient quitter leur emploi à l'hôpital, qu'elles craignaient un drame. Cela m'a dévorée. En plus, à l'hôpital, on se doit de surveiller le risque chimique, mais aussi la question de la radioactivité, les risques infectieux, le risque biologique. Je n'avais plus le temps de faire mon travail.»