Au plus fort du mouvement, en décembre, il était difficile de se faufiler entre les camions des centrales. Jeudi, le cortège s'étirait en long, avec 50 000 participants selon la CGT, contre 130 000 le 6 février (7 800 contre 15 200 selon l'Intérieur). La faute, disent certains, au timing de ce rendez-vous, pendant les vacances. Entre les ballons, Mahmoud, retraité du bâtiment, est venu pour «soutenir les jeunes». Il regrette : «La plupart sont opposés à la réforme, mais ils ne bougent pas.» Larvey, autre retraité, confirme : «On n'est pas assez nombreux.»
«Blocage». Une absence de taille jeudi, celle de l'Unsa RATP. En décembre et janvier, les conducteurs de métro avaient tenu la grève reconductible plus de quarante jours. La plupart ont repris le chemin du boulot, avec une dose d'amertume. Hanane, conductrice, veut croire que le mouvement peut repartir. «On appelle les autres secteurs à se mobiliser, on les sensibilise.» Pour cette non-syndiquée, s'il devait y avoir un nouvel élan, il se tiendrait hors des centrales. «On a appris à se démerder sans elles», lance-t-elle.
Dans les discussions, l'idée d'un «printemps parisien» contre la réforme fait son chemin. Kévin et sa compagne, agents RATP, sont prêts à un «blocage collectif». «Le gouvernement est têtu, nous aussi. Et on ne lâchera pas avant le retrait de la loi.»
Jeudi soir, une réunion intersyndicale était prévue pour définir les prochaines modalités de la contestation. Désormais, cette dernière ne se joue pas que dans la rue, mais aussi à l'Assemblée nationale, où les députés d'opposition attaquent vertement le texte. Mais les syndicats veulent rester en première ligne. Pour Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, c'est «grâce à la mobilisation […] qu'il y a un tel débat à l'Assemblée». Preuve de cette conjonction des forces : des députés LFI ont manifesté jeudi avec les syndicats.
En parallèle, ces derniers planchent avec le patronat depuis mardi sur le financement des retraites dans le cadre d'une conférence impulsée par la CFDT. Objectif : faire des propositions d'ici à fin avril pour retrouver l'équilibre. Un grand raout que les opposants à la réforme ne manquent pas d'étriller, sans oser claquer la porte. Mercredi, la CGT a certes menacé de partir, avant de faire machine arrière, préférant poser un ultimatum au gouvernement, sommé de répondre à ses propositions. FO, de son côté, maintient sa participation «pour surveiller» les discussions, mais évoque aussi un départ «au moment opportun».
«Pincée». Même les centrales convaincues qu'un compromis est possible s'accordent pour dire que le début de cette conférence est difficile. «Tout le monde pose des lignes rouges de partout», note-t-on à l'Unsa. Mercredi, le Medef a ainsi rappelé son attachement à l'âge pivot, dont ne veulent pas les syndicats… Maigre signe d'ouverture : le patronat serait prêt à piocher dans les fonds de réserve des retraites (un pactole qui devrait s'élever à 22,4 milliards d'euros en 2025) pour redresser les comptes. Une idée déjà évoquée par certains syndicats. Mais pour Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, seule «une pincée de produits du fonds de réserve des retraites» pourrait être envisagée. Pas vraiment de quoi débloquer la situation.