Des bretelles le plus souvent rouges, une voix un peu nasillarde, une gouaille décomplexée et un cigare bien calé dans les lèvres. Au-delà de ses bons mots et de ses mauvais coups, c’est cette image que beaucoup de Français garderont de Michel Charasse. L’ancien ministre du Budget, plus mitterrandien que socialiste, est mort vendredi à l’âge de 78 ans. Il était entré à la SFIO en 1962.
Maire de Puy-Guillaume de 1977 à 2010 sans discontinuer, Michel Charasse fut sénateur du Puy-de-Dôme pendant vingt-quatre ans (1981-1988 à 1992-2010). Secrétaire général de l'Elysée en 1981, ce fidèle de François Mitterrand le restera jusqu'au bout, gardant bien des secrets au fond de sa mémoire et triant les archives présidentielles destinées à rester dans l'Histoire. En 1988 celui qui fut surnommé le «Pasqua socialiste» intègre le gouvernement de Michel Rocard au ministère du Budget, ce qui lui donne notamment la haute main sur l’administration fiscale, qui est alors encore une mine d’informations pour le pouvoir… A ce poste sous Edith Cresson, il a rétabli l’impôt sur les grandes fortunes, l’IGF, qui deviendra l’ISF. La nomination de Pierre Bérégovoy à Matignon ne change rien à son sort ministériel.
Brouillé avec Solférino
Après la mort du «vieux», il prend ses distances avec la famille socialiste, dont il a toujours été une figure atypique. Mais c’est quand il reçoit le candidat Nicolas Sarkozy dans son fief de Puy-Guillaume, pendant la campagne présidentielle de 2007, qu’il se brouille pour de bon avec la rue de Solférino et bascule dans le camp d’en face, victorieux. Exclu du PS, Sarkozy le nomme en 2010 au Conseil constitutionnel. Et il y a polémique, au regard du pédigree du nouvel entrant, peu connu pour sa science du droit. Il y siégera jusqu’en 2019 avant d’être décoré en janvier 2020 par un troisième chef de l’Etat français: Emmanuel Macron fait de lui un officier dans l’ordre de la Légion d’honneur, quand Sarkozy l’avait fait chevalier.
De Charasse, on retiendra aussi, hélas, cette saillie pour laquelle il avait obtenu en 2004 le prix spécial du jury au Prix de l'humour politique : à propos du mariage homosexuel célébré illégalement par Noël Mamère à Bègles, il avait dit que «cela pourrait faire un film dont le titre serait Mamère Noël est une ordure».
«C'est la perte d'un ami très cher. C'est la disparition d'un grand homme d'Etat», a très vite réagi vendredi la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui a siégé à ses côtés au Conseil constitutionnel de 2013 à 2017. Dans ce qu'il reste des cercles mitterrandiens et dans le Puy-de-Dôme, beaucoup ont salué la mémoire de ce «républicain». Qu'il était aussi. Anticlérical notoire, il avait choisi de rester à la porte de l'église lors des obsèques de François Mitterrand en janvier 1996 à Jarnac. A son côté, Baltique, la chienne labrador du chef de l'Etat.