Cet incident n'a, à notre connaissance, pas été rapporté dans la presse, même locale, le gouvernement et les agences régionales de santé rechignant à confirmer les suspicions de coronavirus. C'est donc une source policière qui avertit Libération, dimanche soir : un cas possible d'infection a été détecté au port de Calais à la mi-journée. Lundi, en fin de journée, le doute est levé, mais l'incident permet d'en savoir plus sur le protocole en place.
Il est 12 h 48 lorsque les pompiers de Marck interviennent sur la zone portuaire, après le malaise d'une Britannique de 76 ans. Elle voyage à bord d'un bus en provenance d'Italie, où plusieurs morts et plus d'une centaine de cas avérés de coronavirus ont été constatés. Le véhicule est déjà engagé dans la ligne d'embarquement pour un ferry direction Douvres, en Angleterre. La patiente, qui se plaint de douleurs thoraciques, est rapidement transférée au CHU de Lille. En France, selon les directives du gouvernement, «le cas suspect […] est signalé au 15. Le Samu se met en lien avec l'infectiologue le plus proche. A l'issue d'un questionnaire, le cas est classé en possible ou exclu. S'il est un cas possible, il est alors pris en charge et isolé dans un service d'infectiologie».
Blague
Mais dans le cas de cette patiente britannique, ce protocole n'est pas déclenché. Et pour cause : les pompiers interviennent ici sur des douleurs. A cet instant, l'hypothèse coronavirus n'est même pas sur la table. L'incident aurait donc pu s'arrêter là. Le bus, d'ailleurs, reprend sa route et embarque à bord du ferry Spirit of Britain de la compagnie P & O Ferries, à 15 h 50 environ. Le navire est en mer depuis une dizaine de minutes lorsque la vigie du port reçoit un appel. Au bout du fil, l'Agence régionale de santé (ARS) informe les autorités portuaires que la dame hospitalisée présente en réalité une suspicion de coronavirus. Des examens doivent être menés afin de lever le doute. A la capitainerie, selon nos informations, on croit d'abord à une blague. A tel point que l'ARS est de nouveau contactée, pour confirmation.
La police portuaire de Calais est prévenue peu après 17 heures. Mais le bus et ses passagers sont déjà partis, et Spirit of Britain vogue en pleine mer du Nord. Si l'alerte avait été donnée à temps, le véhicule aurait-il été immobilisé ? Questionnée sur ce point, l'ARS des Hauts-de-France n'a pas apporté de réponse. Un signalement a toutefois été fait, nous dit-on. La liste des passagers du bus est en effet transmise à l'ARS. En cas de résultat positif, un «traçage» des voyageurs était envisagé a posteriori. Contactée ce lundi, la compagnie de ferries indique que des mesures ont été prises à l'arrivée à Douvres : «Une passagère qui s'était plainte de douleurs à la poitrine a été évacuée en ambulance du port de Calais avec une suspicion de crise cardiaque. Par précaution, parce que le bus dans lequel elle voyageait venait d'Italie, l'ARS a décidé dans un second temps que cet incident devait être traité dans le contexte du problème de santé publique en cours dans ce pays. A leur arrivée en Angleterre, le bus et ses passagers étaient attendus par la police. Après consultation des autorités sanitaires, aucune action supplémentaire n'a été menée.»
Une autre question se pose toutefois, sur le protocole mis en place pour les professionnels de santé. Dans la Loire, des ambulanciers ayant transporté une patiente soupçonnée d'être porteuse du coronavirus ont été «invités à rester confinés chez eux». Or, cette fois-ci à Calais, selon nos informations, aucune consigne de confinement ou de décontamination n'a été donnée. A la caserne, on confirme que les trois pompiers qui sont intervenus auprès de la patiente britannique «n'ont pas été placés en quarantaine ni conduits à l'hôpital». Ce, ni avant ni après l'appel de l'ARS. Toutefois, ils «n'ont pas été envoyés sur les interventions suivantes». On nous assure qu'un médecin est présent en caserne et, surtout, que le véhicule a été désinfecté selon les procédures indiquées.
Guide
Cela correspond en effet aux indications consignées sur le site du ministère de la Santé. Un guide à l'adresse des «transporteurs sanitaires en contact direct avec un cas possible d'infection au coronavirus» préconise le nettoyage et la désinfection des matériels et du véhicule et «une hygiène des mains par friction hydroalcoolique». Nulle part n'est exigée une mise en quarantaine des personnels.