An-ti-ci-per. C'est le mot d'ordre à Bercy, où a été détaillé en fin de semaine dernière un plan d'accompagnement aux entreprises potentiellement touchées par le coronavirus. Alors que le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, fait déjà état d'un impact de 0,1 % sur la croissance en 2020, l'exécutif s'inquiète de «deux canaux de diffusion» de l'épidémie sur l'activité : la chute du tourisme chinois et surtout les difficultés à venir des chaînes d'approvisionnement industrielles. Car avec 50 milliards de produits chinois importés chaque année (près de 10 % des importations françaises), cette crise montre la dépendance de l'économie française à un pays devenu «l'atelier du monde». Le coronavirus agit comme un «game changer» de la mondialisation, constate Le Maire, pour qui il est urgent «de s'interroger sur la dépendance stratégique de certaines filières», en citant le cas des médicaments. Passage en revue des secteurs les plus vulnérables.
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Le tourisme tousse
Dimanche, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a sorti les gros chiffres au doigt mouillé sur la chaîne de télévision américaine CNBC : «Nous avons moins de touristes bien sûr en France, environ 30 % à 40 % de moins qu'attendu.» De quoi semer l'inquiétude chez les professionnels du tourisme.
Mais l'agence Atout France, chargée de promouvoir le secteur, indique «ne pas être en mesure de confirmer ou d'infirmer ces données». Seule certitude, le dernier rapport du Comité régional du tourisme (CRT) d'Ile-de-France prévoit une baisse de 1 % des réservations aériennes de mars à mai par rapport à l'année dernière. Sur la même période, la baisse de la clientèle chinoise est estimée à 40,8 % à cause de la fermeture de nombreuses lignes aériennes et de la mise en quarantaine de nombreuses villes en Chine. Evidemment, cela ne fait pas les affaires des hôtels parisiens. Sur BFM TV, le président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris-Ile-de-France, Didier Kling, estimait lundi que «les réservations de touristes chinois ont diminué de 80 % au mois de janvier et sont en baisse de 100 % pour le mois de février».
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Les commerces perdent leur clientèle chinoise
Quantifier les pertes est encore difficile. Les enseignes les plus touchées sont bien sûr celles où se presse la clientèle chinoise, comme les grands magasins parisiens. A Paris, les «quartiers de shopping historiques enregistrent une très forte baisse de la clientèle chinoise, jusqu'à 70 %», fait remonter Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du commerce. Contactée par Libération, Eva Perret, chargée de communication aux Galeries Lafayette, n'a pas souhaité réagir. Une manière d'invisibiliser une baisse du chiffre d'affaires inéluctable pour une chaîne qui compte 20 % de clients chinois.
Plus largement, la France compte 2,2 millions de visiteurs chinois annuels et un tiers de la demande de produits de luxe est… chinoise. C'est grave ? Selon Bernard Arnault, à la tête du groupe LVMH : «Si ça dure deux mois, deux mois et demi, ça ne sera pas terrible. Si ça devait durer deux ans, ce serait une autre histoire.» Pour Didier Kling, de la chambre de commerce et d'industrie, le plus grand risque est celui de la psychose.
L’industrie de la mode est chiffon
Des grandes enseignes de fast fashion qui produisent en circuit court en Chine, comme H & M, Inditex (Zara), SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot) qui voient l’acheminement de leurs produits fortement entravé (ce qui pourrait bientôt se ressentir dans les rayons) aux leaders du luxe dont certains pôles de production sont basés en Asie, l’industrie de la mode ressent déjà les contrecoups de l’épidémie de coronavirus.
Un certain nombre d'acteurs de la mode se veulent optimistes, espérant un rebond dès la fin de l'épidémie, autrement appelé «l'effet de rattrapage», indique Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique de l'Institut français de la mode. «Après de mauvais mois dus à diverses raisons [météo, manifestations… ndlr], on compense, les gens consomment en décalé. Cela peut conduire à une reprise plus forte. Tout dépend de la durée…» François-Henri Pinault, PDG du groupe Kering (Gucci et Saint Laurent, entre autres) a cependant admis le 12 février, une «forte baisse» de ses ventes et de la fréquentation de ses boutiques en Chine continentale depuis le début de ce mois et annoncé qu'il avait dû fermer la moitié des boutiques du groupe dans le pays. Pas de panique pour autant : «Toutes nos marques ont un plan B pour faire face à ce type d'événements», a-t-il déclaré, précisant que «le groupe Kering réalise 34 % de ses ventes totales dans la région Asie-Pacifique, hors Japon».
Reste que l’activité commerciale de très nombreuses enseignes de luxe et de moyenne gamme est ralentie en Asie. Plusieurs marques (Ralph Lauren, Burberry, Moncler ou encore Nike et Adidas) ont ainsi déjà fermé des magasins en Chine.
Les entreprises craignent la pénurie
C’est la grande crainte des entreprises mondialisées : se retrouver coupées de leurs sources d’approvisionnements en Chine. L’impact du quasi-arrêt de la deuxième économie mondiale est encore difficile à quantifier. Mais nombre d’industries redoutent une pénurie de composants «made in China» essentiels à leur production. C’est notamment le cas dans l’automobile, l’électronique ou la pharmacie. Quelque 95 % des batteries électriques sont par exemple produites en Chine. Le géant taïwanais Foxconn, qui fabrique les iPhone d’Apple, n’aura retrouvé que 50 % de sa capacité de production d’ici fin février. D’où de possibles ruptures de stock chez les distributeurs de smartphones et autres tablettes.
Les entreprises françaises présentes en Chine sont évidemment exposées. Schneider Electric, qui possède une usine à Wuhan, l'épicentre de l'épidémie, évoque «un impact négatif de 300 millions d'euros» sur son chiffre d'affaires du premier trimestre. Pernod Ricard, numéro 2 mondial des spiritueux, a dû revoir ses objectifs à la baisse. Et Accor, contraint de fermer 200 hôtels en Chine, devrait également souffrir de l'épidémie.