C’est un scénario bien improbable que L214 vient de rendre public. L’association antispéciste a en effet été destinataire de mails qu’elle n’aurait jamais dû recevoir. Et pour cause : ces échanges de courriels témoignaient de la fébrilité du ministère de l’Agriculture face aux accusations que L214 s’apprêtait à révéler concernant un abattoir.
Petit flash-back : le 13 février, l'association informe les médias qu'elle va diffuser des images tournées dans l'abattoir Sobeval, en Dordogne. Selon L214, ces vidéos témoignent d'«infractions routinières» à la réglementation. Ces informations sont alors sous embargo : les journalistes ne peuvent les rendre publiques avant le 20 février. Mais l'un des journalistes choisit d'informer la préfecture du département avant ce délai.
Boucle de mails
Ainsi alertés, les services de l'Etat organisent promptement leur contre-attaque. Et c'est là que l'improbable survient : une association proche de L214 se retrouve dans la boucle des mails et reçoit les messages échangés entre le ministère de l'Agriculture et d'autres acteurs officiels (direction générale de l'alimentation, services vétérinaires…). Ces échanges, publiés sur le site de L214, laissent entrevoir la crainte du scandale : «Il nous faut des edl béton pour ce soir», écrit un fonctionnaire du ministère (les noms ont été masqués). Des «edl» ? Des «éléments de langage».
Le discours officiel se construit ainsi au fil de ces échanges ; Interbev, syndicat et puissant lobby de la viande, semble même avoir été consulté. Le 20 février, jour où l'affaire doit être rendue publique par la presse, un fonctionnaire écrit, à propos de l'abattoir Sobeval : «J'ai fait la liste des NC [non-conformités, ndlr] indéniables, voire majeures relevées». Pour L214, ces courriels apportent une preuve aussi éclatante qu'inattendue à ses révélations : «Ce qu'ils disent [dans leurs mails] est totalement contraire à ce qui a été communiqué publiquement, à savoir que cet abattoir respectait la réglementation et que nos images n'avaient pas mis de fautes en évidence, résume Sébastien Arsac, cofondateur de L214. Didier Guillaume, le ministre de l'Agriculture, a même déclaré [dimanche] que le respect du bien-être animal n'était pas bafoué dans l'abattoir Sobeval. Le voilà pris en flagrant délit de mensonge. Nous demandons sa démission.»
Pour l’heure, le ministère n’a pas souhaité réagir à ces révélations.