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Une semaine à Belleville-en-Beaujolais : «Un maire ex-vigneron comprendra mieux»

par Maïté Darnault, Envoyée spéciale à Belleville-en-Beaujolais Photo Romain Etienne
publié le 25 février 2020 à 20h46

Elle a le rire facile, Manon Bernillon. La longue fille brune, reflets au henné, rigole quand on lui demande si elle compte aller au meeting de Frédéric Pronchéry, «le» candidat de Belleville-en-Beaujolais. Donné favori, déjà conseiller municipal, il est l'héritier du maire sortant, le centriste Bernard Fialaire, réélu en 2014 avec 100 % des voix, faute d'adversaire. Réponse ravie de Manon : «Absolument pas.»

A 22 ans, cette native de Belleville vient de créer son exploitation : 8 hectares en métayage de beaujolais, dont le raisin est revendu à la cave coopérative qui deale avec les négociants. 50 % du chiffre de la récolte va au propriétaire des terres, le reste pour elle. Manon a fait sa première vendange en 2018. «Pour l'instant, j'arrive à me tirer un salaire de 800 euros par mois, explique-t-elle. Au bout de quatre ou cinq ans, on peut avoir un revenu correct, ça va, je vis encore chez mes parents.» Ils sont également viticulteurs et c'est d'eux qu'elle tient ses infos sur la politique locale. Bernard Fialaire ? «Ils le trouvent très bien mais ils sont contents que ça se renouvelle.» Frédéric Pronchéry ? «C'est un ancien viticulteur, un ami à eux. Avoir un maire qui était vigneron avant, ça peut faire qu'il comprendra mieux.» Quel que soit l'élu, Manon veut «pouvoir travailler tranquillement», refusant «qu'ils nous pondent des normes n'importe comment».

Le dernier dossier qui fâche les cultivateurs du Beaujolais, c'est la mise en place des zones de non-traitement au 1er janvier : «On n'a plus le droit de traiter à moins de dix mètres d'une maison, plus exactement des limites de propriété, et ici, ça pose rapidement problème», regrette-t-elle. D'autant qu'à Belleville, hormis la viticulture, l'un des principaux employeurs est l'usine Berthoud, qui fabrique depuis 1895… des pulvérisateurs pour la vigne. Manon voulait devenir tailleuse de pierre, mais n'envisageait pas de quitter son «pays». Après un bac pro à Dijon, faute d'un job à domicile dans sa branche, elle a «naturellement» repris racine au milieu des ceps. Au premier tour de la présidentielle, elle se souvient vaguement avoir voté pour «un pas connu bien de droite», sans doute Nicolas Dupont-Aignan, avant d'opter pour Emmanuel Macron : «Il essaie d'imposer des nouveautés alors que d'autres se sont beaucoup écrasés face aux grèves.» Elle en veut un peu aux gilets jaunes, dont l'acte I, en novembre 2018, a gâché le lancement du beaujolais nouveau. Quand Manon sort avec ses copines, elle va dans les bals ou «boire un coup dans les bars de village» qui n'ont pas encore disparu. «Si tout va bien, je devrais faire ça toute ma vie.» Rire clair.