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Libé Marseille

Allô la mairie ? Les candidats marseillais face au chantier du mal-logement

«Libé Marseille» soumet à tous les candidats un scénario fiction concernant un thème important de la campagne des municipales. Cette semaine : le logement.
Rue Hoche, dans le 3e arrondissement de Marseille, en octobre 2019. (Photo Olivier Monge. MYOP)
par Samantha Rouchard, correspondance à Marseille
publié le 27 février 2020 à 9h16

Mme et M. Z vivent avec leurs deux filles dans un deux-pièces à Noailles (1er arrondissement). M. Z est en invalidité depuis qu'il a été blessé l'an dernier sur un chantier du BTP. Mme Z, elle, enchaîne les contrats courts dans une agence de service à la personne. Leur appartement est insalubre : fissures, moisissures, électricité pas aux normes, sans parler des rats qui envahissent la cage d'escalier et des punaises de lit qui les empêchent de dormir. Leur loyer est de 650 euros par mois. Le propriétaire refuse de faire les travaux mais ils n'ont pas les moyens de déménager. Ils attendent un logement social depuis deux ans. M. et Mme Z n'osent pas appeler la mairie car ils ont peur d'être délogés et de finir à l'hôtel. Que peuvent-ils faire ?

Leurs solutions

Comme à son habitude, Martine Vassal, candidate (LR), décidément peu coopérative, n'a pas répondu à notre scénario fiction sur le logement. Elue de la majorité sortante, elle était pourtant attendue sur le sujet. Bruno Gilles (ex-LR), lui aussi élu de la majorité Gaudin, entré en dissidence pour les municipales, est le seul candidat à indiquer une marche à suivre au couple en détresse : prendre contact avec un avocat en demandant l'aide juridictionnelle, se rapprocher de l'assistante sociale de secteur, appeler les services d'hygiène de la ville pour une intervention, contacter les travailleurs sociaux de l'Association méditerranéenne pour l'insertion par le logement (Ampil) afin d'obliger le propriétaire à le reloger, demander un logement social dans le cadre de la loi Dalo. Un vrai parcours du combattant qui, depuis les événements du 5 novembre, a surtout montré son inefficacité… Bruno Gilles dit en avoir conscience et souhaite en finir avec le renvoi de balles entre structures et le «c'est pas moi, c'est l'autre» : «D'où la nécessité de rendre au maire toutes les compétences dans les domaines du logement», assure-t-il. Car depuis janvier 2019, la métropole, dont Martine Vassal est présidente, a récupéré une partie de la compétence.

Sébastien Barles (EE-LV), Samia Ghali (ex-PS) et Stéphane Ravier (RN) tombent d'accord pour une meilleure coordination des services techniques et un renforcement des effectifs, afin que la prise en charge du couple se fasse dans les plus brefs délais. Les candidats RN et EE-LV promettent en outre une sanction des marchands de sommeil, «avec l'appui des services municipaux» pour Ravier et «via une police de l'habitat» pour Barles.

Michèle Rubirola (le Printemps marseillais) s'engage à faire respecter la charte du relogement, votée en conseil municipal l'an dernier mais toujours assez mal appliquée. Yvon Berland (LREM) assure un logement social à ceux qui, comme Mme et M. Z, «n'aspirent qu'à vivre "normalement"». Pour cela, il promet de «mettre fin au clientélisme» en créant des commissions citoyennes d'attributions. Sébastien Barles promet aussi «une transparence de l'attribution des logements sociaux».

Quoi d’autre dans leur programme ?

Après les huit morts des effondrements de la rue d'Aubagne, les 4 000 personnes délogées en un an et demi et les 40 000 habitations indignes recensées à Marseille, le logement est une question cruciale dans la campagne municipale. Début février une trentaine d'associations, dont la Fondation Abbé-Pierre, ont demandé à chaque candidat de se prononcer sur «14 engagements et 60 mesures pour un logement décent pour tous», accusant les prétendants à la mairie de passer plus de temps à débattre sur les arbres à planter que sur le logement. Stéphane Ravier, lui, n'envisage le sujet que sous l'angle sécuritaire. Quant à Martine Vassal, elle mixe ce qu'elle a mis en place en tant que présidente de la métropole – son plan territorial de lutte contre l'habitat indigne sur dix à quinze ans doté de 600 millions d'euros – et ce qu'elle compte faire en tant que maire, comme la création d'un Conseil de l'habitat qui permettrait à la ville de dialoguer avec les professionnels du secteur immobilier.

Et le citoyen ? Sébastien Barles promet de l'inclure, ainsi que les associations, dans son opération d'intérêt national (OIN) qui coordonnera les mesures d'urgence contre le mal-logement. Samia Ghali souhaite mettre en place un plan pluriannuel d'éradication du logement indigne lancé dès le début du mandat. Chaque candidat valide le fait que le permis de louer, actuellement en expérimentation dans le quartier de Noailles, doit s'étendre au reste de la ville.

Et les 33 000 logements vides (selon un décompte de l'Insee en 2015), on en fait quoi ?  Martine Vassal dit vouloir lutter contre «la vacance», mais sans réquisition et sans «jeter l'opprobre» sur les propriétaires. Pour Michèle Rubirola, ces logements constituent «un 17e arrondissement» qui doit être exploité. Yvon Berland souhaite, lui, mettre en place «un dispositif d'accompagnement pour assurer les propriétaires et les inciter à louer».

Concernant le logement social, sans surprise, gauche et droite ne sont pas d'accord. Sébastien Barles et Samia Ghali en veulent plus – 6 000 logements par an pour EE-LV et 50% du patrimoine de Noailles transféré à des organismes HLM pour l'ex-PS – et mieux répartis par secteur. Idem pour le Printemps Marseillais, qui souhaite «un inventaire du patrimoine municipal et un appui des opérateurs sociaux pour rénover et accompagner la mise en logement».

A droite, Bruno Gilles veut «arrêter la bétonisation sans suivi ni cohérence» mais promet de négocier des logements sociaux obligatoires auprès des promoteurs, contre l'accord d'un permis de construire. Martine Vassal bannit les grands ensembles et veut favoriser le développement des logements conventionnés dans le parc privé ainsi que la construction de «logements intermédiaires» via des investisseurs institutionnels comme des assurances ou des banques. Enfin, Stéphane Ravier ne veut plus aucune construction de logements sociaux mais seulement de la rénovation. Car ce qu'il faut avant tout pour le candidat RN, c'est «remettre de l'ordre dans la cité».