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Maryse Joissains : «Moi je ne veux pas laisser Aix à des brèles !»

La maire sortante (LR) se présente pour la quatrième fois. En cas de victoire, elle devra gagner son procès en appel pour «détournement de fonds et prise illégale d’intérêt» pour assurer son mandat.
Maryse Joissains, à Puyricard. (Photo Olivier Monge. Myop pour Libération)
par Stéphanie Harounyan, envoyée spéciale à Aix-en-Provence, photo Olivier Monge. Myop
publié le 1er mars 2020 à 20h41

«Tu t'assois et tu dis bonjour à Maryse !» Le chien à poils longs se pose, lève la tête et fait mouliner ses pattes avant. «Regardez comme il m'aime», s'extasie Maryse Joissains. Ça tombe bien, c'est justement sa cote d'amour que la maire LR d'Aix-en-Provence est venue mesurer auprès de ses électeurs, vendredi, sur le marché de Puyricard, commune rattachée à Aix. A 77 ans, celle qui règne depuis 2001 sur la cité provençale de 143 000 habitants brigue un quatrième mandat. Et battre campagne, Maryse Joissains n'attendait que ça. Surtout que la justice a bien failli l'en priver.

En mai 2019, la cour d'appel de Montpellier a allégé sa peine mais confirmé sa condamnation pour «détournement de fonds et prise illégale d'intérêt» - six mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité. En cause, la promotion de son chauffeur, jugée non conforme sur le plan administratif, et l'embauche à la communauté de communes d'une collaboratrice en charge de la protection animale, domaine ne relevant pas des compétences de la collectivité. «Je reconnais ce qu'on me reproche, mais ce n'est pas pénal. Et c'est légal», riposte l'édile, qui avait immédiatement saisi la Cour de cassation. Le 19 février, la juridiction cassait le jugement et renvoyait l'affaire en appel, laissant le champ libre à la candidature de la maire sortante.

A Puyricard, on ne s'intéresse pas vraiment à ses tracas judiciaires. «Les gens s'en foutent complètement ! Si ça avait été un enrichissement personnel, ça n'aurait pas été pareil. Mais là, il n'y a pas de préjudice pour la commune, pas d'emploi fictif», martèle Maryse Joissains. Mais ce matin-là, on discute surtout nuisances sonores chez le cafetier, daube de taureau chez le boucher, coronavirus à la pharmacie… Le tout ponctué d'un claquage de bises tous les deux mètres, le temps de prendre des nouvelles du petit dernier ou d'un grand-père connu jadis. «J'ai été avocate pendant trente ans, j'ai défendu le quart de la ville, dont une partie gratos. Les gens se rappellent, ils m'aiment bien, vante la candidate. Et puis j'ai un bon bilan.»

Plans B

Ce quatrième mandat sera son dernier, promet-elle, le temps de «former les jeunes» et de régler notamment le «problème» de la métropole Aix-Marseille, institution qu'elle accuse de piller les caisses d'Aix-en-Provence au profit de ses voisines moins argentées. C'est son cheval de bataille depuis quelques années, au point de la fâcher avec le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pourtant camarade de chez LR. «Il m'a pris mes sous, c'est fini», balaie celle qui pense être «la seule» à pouvoir défendre la cause aixoise dans cette affaire. «Sophie, ma fille, peut aussi, mais elle a quand même besoin d'un peu de formation.» Cela fait déjà quelques années que Sophie Joissains, déjà sénatrice, fait ses armes au côté de sa mère. Pour ces élections, elle pointe en troisième place sur la liste et Maryse Joissains l'avait même évoquée pour jouer les plans B, si la justice lui avait fait barrage. De quoi provoquer les foudres de certains de ses adversaires qui dénoncent la mainmise sur la ville de la «dynastie» Joissains, rappelant qu'Alain, le mari, a lui-même dirigé la commune de 1978 à 1983. «La compétence ne se transmet pas par les gènes», grince Anne-Laurence Petel, députée LREM investie par le parti présidentiel pour tenter de décrocher l'hôtel de ville. Tâche ardue, reconnaît-elle, face à la «charismatique» sortante : «C'est un peu l'équivalent féminin de Bernard Tapie : elle pourrait vous vendre une page blanche. On a un travail à faire sur la crédulité des électeurs… On est un peu des artisans face à la multinationale !» Les bons scores de LREM à Aix lors des dernières européennes (29 %) l'encouragent tout de même, mais les dissidences ne sont pas de bon augure : Dominique Sassoon, son suppléant et candidat malheureux à l'investiture LREM, a décidé de se présenter quand même (avec l'étiquette EE-LV). Le député Modem Mohamed Laqhila se présente aussi.

«Ambitions»

La stratégie de Petel ? «On mise sur tous ceux que [Maryse Joissains] a oubliés, ceux des quartiers périphériques, ceux qui subissent au quotidien les problèmes d'embouteillage, de gestion des déchets… Elle n'est pas partout en terrain conquis. Et puis qu'on le veuille ou non, il y a une usure, il y a l'âge…» La réponse de l'intéressée ne se fait pas attendre : «Mon âge ? Je les emmerde, qu'ils fassent ce que je fais !»

La sortante compte aussi parmi ses concurrents l'universitaire Marc Pena, investi par la gauche unie, ainsi que deux anciens adjoints. «Ceux qui m'ont quittée, c'est parce qu'ils avaient des ambitions, soutient leur ancienne égérie. Comme la ville est bien gérée, ils la veulent tous… Moi, je ne veux pas la laisser à des brêles !» Si elle est élue, il faudra repasser par la case justice et son procès en appel pour mener son mandat jusqu'au bout. Pas de quoi inquiéter la candidate : «Le premier procès, j'y suis allée en danseuse. Mais là, ce ne sera plus la même histoire !»