«J’ai soutenu ma thèse il y a près de dix ans et je n’ai toujours pas de poste. Depuis, une seule offre correspondant à mon profil a été publiée, et elle a été attribuée à un autre chercheur.
«Pendant ma thèse, j’ai vécu grâce à une allocation de recherche, puis à des emplois à temps partiel, des bourses de recherche doctorales et des vacations. Désormais, je suis salariée du secteur privé, et assez bien payée, mais je reste vacataire dans une université parisienne un jour par semaine, par vocation. Ces cours sont payés environ 1 200 euros les douze cours sur quatre mois, préparation des cours et correction des copies incluses, et payés en une seule fois avec six mois de retard.
«Au bout d’un moment, on lâche, comme je projette enfin de le faire, bien malgré moi. Mais comment se reconvertir, avec un CV scientifique souvent très spécialisé comme le mien alors qu’on arrive "en deuxième partie de carrière", déjà presque senior, comme on dit ?
«Franchement, j’aurais dû faire un CAP soudure. Pour nous, la réforme des retraites, c’est vraiment la cata, car même si on finit par tout lâcher, pour des boulots qui ne nous intéressent pas, on finira quand même encore précaires, vu que toutes nos années de précarité seront prises en compte… Là, je gagne 2 100 euros net grâce à mon boulot annexe, mais quand j’arriverai à la retraite, j’aurai droit à 300 balles. Franchement, j’espère presque mourir de mon tabagisme avant.
«Pourtant, on aura bossé comme des chiens, jour et nuit. En témoignent nos thèses, nos articles, nos livres pour certains, nos cours, toutes les manifs scientifiques qu’on a organisées pour espérer cocher toutes les cases… Dans l’espoir d’un poste de maître de conférences que je n’aurai pas.»
Le prénom a été modifié.