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Libération
Témoignage

William, 31 ans, Vacataire «Heureusement, j’ai un travail à côté»

publié le 4 mars 2020 à 20h26

«J’ai perdu deux amis qui se sont suicidés à cause de la pression et l’angoisse du doctorat, et de la précarité qui va avec.

«Moi, j’ai lâché l’affaire juste après avoir présenté mon projet de thèse. J’ai préféré chercher du travail. Je bosse comme éducateur dans une structure coopérative. Et à côté, j’enseigne à la fac par passion. Avec mon master, je donne cinq heures de cours en sciences politiques par semaine, comme vacataire. Je suis payé 41,41 euros l’heure, sans prendre en compte la préparation ou la correction des copies. Même pour un cours que j’ai déjà donné, ça nécessite deux heures de travail en amont. Et pour un nouveau, je mets jusqu’à une semaine entière.

«L’année dernière, j’ai carrément été payé avec un an de retard. Autant dire qu’on travaille presque gratuitement et c’est institué comme tel. Quand je dis à mes étudiants ou à mes proches que je gagne moins que le smic mensuel, alors que je donne des cours en sciences politiques, ils buggent. Il y a cette croyance que tous les profs de l’enseignement supérieur gagnent bien leur vie, mais la réalité est très différente.

«Les vacations, ça ne paie pas le loyer et ça ne remplit pas le frigo. En plus, on ne cotise ni pour la retraite ni pour le chômage. Heureusement, j’ai un travail à côté, sinon je ne pourrais pas vivre.

«Ça fait des années qu’on nous promet qu’on va être payés mensuellement, mais ça n’a jamais été mis en place, c’est juste une manière d’étouffer le problème et de nous faire taire.

«Là, on est en plein mouvement de grève et ce n’est pas simple. Les précaires sont beaucoup plus fichés et identifiables par l’administration : si on ne fait pas cours, on a peur de ne pas être rappelé pour l’année prochaine. Rien que pour obtenir des vacations, qui sont pourtant sous-payées, il y a une pression énorme.»