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Libération
Reportage

A Metz, Grosdidier fait ce qu’il lui plaît

Pendant que la gauche s’entre-déchire et que LREM tente d’exister, le candidat LR prend de l’avance, avec deux mots d’ordre : sécurité et propreté.
François Grosdidier, lors d’une réunion publique au centre culturel du quartier de Queuleu, à Metz, mardi. (Photo Pascal Bastien)
publié le 5 mars 2020 à 20h16

Il arrive au pas de course, on l'équipe d'un micro sans fil et le voilà devant une petite salle remplie d'une centaine de têtes grisonnantes pour un numéro qu'il connaît par cœur. Dans cette partie bourgeoise du quartier de Queuleu, à Metz, le sénateur LR François Grosdidier déroule : une anecdote bien sentie («un policier m'a arrêté en voiture, j'avais pourtant ma ceinture : c'était pour me demander d'être candidat !») et deux heures de questions du public, depuis le prix de la concession au cimetière jusqu'au retour des feux d'artifice à la Fête de la mirabelle. Selon le dernier sondage, commandé début février par le Républicain lorrain et la chaîne locale Via Mirabelle, Grosdidier mènerait la course avec 29 % des intentions de vote, soit 9 points de plus que son plus proche rival, issu de l'union d'une partie de la gauche, Xavier Bouvet. Françoise Grolet, candidate pour le Rassemblement national, pointerait à 18 %. Très loin derrière, le candidat macroniste, Richard Lioger, est à la peine, crédité de 11 % des intentions de vote.

Sac d’embrouilles

Cette confortable avance de l’ancien député de Moselle et ancien maire de Woippy, commune en banlieue de Metz qu’il avait arrachée à la gauche en 2001, ne s’explique pas seulement par ses talents oratoires devant des parterres de retraités : face à lui, les héritiers du maire sortant qui ne se représente pas, le socialiste Dominique Gros, ont trouvé le moyen de se déchirer. Et deux fois plutôt qu’une. Son ancien premier adjoint, Richard Lioger, devenu député LREM, a obtenu la bénédiction du parti présidentiel et du Modem au nez et à la barbe d’une autre adjointe, Béatrice Agamennone, qui était elle aussi passée chez LREM. En réaction, l’élue a choisi de lancer sa liste dissidente, se faisant exclure du parti présidentiel. A gauche, ce n’est guère plus reluisant : le Parti socialiste a adoubé Xavier Bouvet, jeune conseiller au cabinet du maire sortant, mais la section locale du PS avait auparavant choisi Thomas Scuderi, lui aussi adjoint au maire, qui a du coup constitué sa propre liste.

François Grosdidier en réunion publique à Metz, mardi.

Photo Pascal Bastien pour Libération

Un sac d’embrouilles sans doute à l’origine d’une campagne parsemée de crocs-en-jambe et de manipulations douteuses : c’est un corbeau qui jette le doute sur la légalité de la liste de Grosdidier et un avocat sur celle de Bouvet. C’est aussi Grosdidier qui porte plainte pour diffamation contre le numéro 2 de LREM, Pierre Person, qui a évoqué ses anciennes casseroles judiciaires. C’est encore Bouvet qui doit se justifier d’avoir négocié son départ d’une agence de développement local en touchant des indemnités chômage. Le candidat macroniste, lui, gratte les autocollants qui détournent le logo de LREM en forme de croix gammée sur la vitrine de son local de campagne.

«Le climat est assez violent, on le découvre au fur et à mesure puisque pour la plupart d'entre nous, c'est notre première campagne. On n'a pas forcément les réflexes face à ce type de manœuvres», explique benoîtement Xavier Bouvet. Fort de l'appui du maire sortant qui l'a finalement soutenu, mais aussi d'Europe Ecologie - les Verts, de Génération·s et du PCF, le candidat de la gauche «unie» espère rassembler au second tour les brebis égarées et joue à fond la carte écolo face à «une droite sénatoriale». Comprendre conservatrice et à contre-courant de l'histoire. Pour Bouvet, il est hors de question d'évoquer une fusion de sa liste avec celle de Lioger, fût-ce pour faire barrage à la droite de Grosdidier.

A Metz, mardi. Le candidat du rassemblement Unis, qui regroupe plusieurs partis de gauche, Xavier Bouvet.

Photo Pascal Bastien pour Libération

Appel du pied

Plombé par l'impopularité de l'exécutif sur fond de réforme des retraites, le candidat LREM semble pourtant vouloir laisser cette porte entrouverte : s'il fustige «une liste qui tire vers l'extrême gauche», il rappelle néanmoins que tout ce petit monde a «travaillé ensemble pendant des années» sous la direction de Dominique Gros. Un appel du pied pour l'entre-deux-tours ? «Oui et non», lâche Lioger. «Il a déjà réussi certains coups de poker, mais il s'est planté cette fois-ci, souffle un vieil observateur de la vie politique messine. Il est déjà député, du coup on dirait qu'il n'a pas la niaque pour cette campagne.» Afin que la liste Bouvet puisse nourrir quelque espoir pour le 22 mars, il faudrait que le candidat LREM soit éliminé ou pas trop au-dessus des 10 % (le seuil pour se maintenir au second tour) pour qu'il renonce. Cela permettrait d'attirer un large spectre du centre jusqu'à la gauche dans une triangulaire plus que probable avec LR et le RN. Pendant que la gauche sort ses calculettes, François Grosdidier, lui, mène campagne en tapant allègrement sur la mairie sortante, avec un programme axé sur la sécurité et la propreté. La droite tranquille.