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Covid-19 : la France ne se voile plus la phase

Avec 138 nouveaux cas jeudi, on compte désormais 423 contaminations et 7 morts sur le territoire. Toutes les régions métropolitaines sont touchées et les autorités se préparent à passer en phase 3 dans une à deux semaines.
Emmanuel Macron recevait des chercheurs, jeudi à l’Elysée. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 5 mars 2020 à 20h36

«Il y a un moment où […] une épidémie est de toute façon inexorable.» Parole du chef de l'Etat jeudi, alors que le nombre de cas de coronavirus enfle chaque jour. On compte 423 cas positifs confirmés depuis début janvier (138 nouveaux cas jeudi, soit la plus forte hausse depuis l'arrivée du Covid-19 dans le pays). Sept personnes sont décédées. Les deux dernières victimes sont une personne de 73 ans originaire de l'Oise et une autre de 64 ans, de l'Aisne. La liste des territoires touchés s'allonge (Guyane, Corse, Haut-Rhin…). Toutes les régions de métropole sont touchées.

Les faits sont là : la France est désormais l'un des principaux foyers du nouveau virus en Europe, avec l'Allemagne et l'Italie (la plus touchée). Et se rapproche inéluctablement du cap du stade 3, celui de l'épidémie, avec un virus qui circule et devient transmissible sur l'ensemble du territoire : dans «une ou deux semaines maximum», selon un expert de l'Elysée. Panique à bord ? Dès mercredi, la petite musique du «il semble peu probable malheureusement» que la France y échappe et «nous nous préparons activement» est montée d'une octave par la voix de la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. «On se prépare», nous assure, à son tour, le ministre de la Santé, Olivier Véran. Jeudi, l'exécutif a soigneusement envoyé ce signal : nous sommes à la tâche.

«Pas de vent de panique»

Cela commence par éviter de commettre tout impair dans la communication de crise. «Il faut jouer la carte de la transparence, insiste le conseiller d'un ministre au cœur du dispositif. En temps de crise, c'est un élément phare de la gestion.» Et dans ce domaine, Emmanuel Macron s'efforce de démontrer qu'il est aux commandes : visite des personnels hospitaliers, conseils de défense consacrés à la lutte contre l'épidémie… Jeudi, il a ouvert les portes de l'Elysée à plusieurs «acteurs de la recherche publique et privée engagés dans la lutte contre le Covid-19». «Nous sommes réunis […] d'abord pour essayer de stopper l'arrivée, ensuite pour ralentir» et «il y a un moment […] vous le savez infiniment mieux que moi, pour gérer une épidémie qui de toute façon est inexorable», a déclaré en préambule le Président qui a bousculé son agenda pour se consacrer entièrement au coronavirus.

Dans le même temps, une partie du gouvernement, autour de la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, recevait jeudi, pour la deuxième fois en une semaine, les associations d'élus locaux pour échanger sur les mesures concrètes à décliner «dans les territoires». Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a officiellement garanti la tenue du scrutin municipal, tandis que son homologue de l'Education, Jean-Michel Blanquer, a fait un point sur la situation dans les écoles. «On souhaite que les associations d'élus se sentent autant associées que possible», dit-on dans l'entourage de Gourault. «Ce n'est pas l'Etat seul qui fait face au Covid-19», ajoute-t-on à Matignon. Dans l'entourage du Premier ministre, on rappelle qu'à dix jours du vote, cette réunion avec les élus locaux devait permettre de dédramatiser le risque de contamination les jours de vote : «Un bureau de vote doit impliquer les préventions usuelles : se laver les mains, venir avec son propre stylo pour les scrutateurs qui le souhaitent… Mais à part quelques personnes avec des masques dans le métro, on n'a pas l'impression d'un vent de panique dans le pays.»

«La vie du pays ne s’arrêtera pas»

Nonobstant, cette démonstration de mobilisation, la vie du pays se trouve déjà bousculée. En cascade, et suite à l'interdiction de rassemblements de plus de 5 000 personnes en milieu clos, des grands rendez-vous sont supprimés ou reportés : après l'annulation du Salon du livre à Paris, voici celle du MIPTV à Cannes, deuxième plus grand événement mondial dédié aux professionnels de la télévision. A Cannes aussi, le salon immobilier Mipim est reporté de mars à juin, tandis que la Foire de Lyon attendra mai. A Paris, les concerts du rappeur Ninho, du groupe Tryo et du chanteur Matt Pokora sont aussi annulés. Sibeth Ndiaye a eu beau déclarer «la vie du pays ne s'arrêtera pas à cause du coronavirus», il y a du ralentissement dans l'air.

Petit à petit, l'inquiétude s'exprime : les châteaux de la Loire font état de réservations au point mort pour les beaux jours, la clientèle asiatique faisant défaut. L'Opéra de Paris appelle ses visiteurs «présentant des symptômes grippaux» à éviter ses deux salles, Bastille et Garnier. Même si aucun cas n'a été enregistré à Lourdes, la direction du sanctuaire est sur le qui-vive face à ce diable de coronavirus : bassins fermés, confessionnaux avec gels hydroalcooliques… Dans le Morbihan, très touché (une vingtaine de cas et un décès depuis dimanche), les médecins généralistes mettent le paquet sur la téléconsultation. La France clignote, ralentit, s'adapte. Mais à ce jour, aucun quotidien français n'a osé rivaliser avec le tabloïd australien de Darwin, NT News : pour mieux tourner en dérision la razzia sur le papier toilette liée à la panique coronavirus, il a publié des pages blanches destinées à ses lecteurs qui viendraient à en manquer.