Anne Hidalgo et la presse ? Aucun problème, trompettent ses lieutenants. Sauf que depuis le début de la campagne, la candidate refuse que les journalistes la suivent sur le terrain, lors des opérations «bonjour, un tract, on serre la main». Impossible, par exemple, de l'accompagner sur un marché le week-end, contrairement à la plupart de ses concurrents, quand bien même ils verrouillent. Ainsi, l'équipe de Rachida Dati sélectionne à chaque fois quelques journalistes pour ne pas «casser le lien privilégié avec les gens qu'elle rencontre».
«Mur de caméras». Côté Hidalgo, on assure aussi que ce sont les «meutes» de journalistes qui posent problème. «Elle ne refuse pas d'être accompagnée, mais elle ne veut pas l'être par un mur de caméras, explique son adjoint Jean-Louis Missika. Aujourd'hui, les télés filment en continu, elles ne font pas simplement quelques images. Ça dénature les relations, empêche de parler. Elle a l'impression qu'on lui vole ses moments de campagne.» On a donc à nouveau sollicité sa responsable presse pour la suivre sur un déplacement sans micro, sans caméra. Et finalement… sans réponse.
Selon ses adversaires, le camp Hidalgo préférerait en réalité ne pas lever le rideau sur des scènes peu flatteuses. «Elle se fait allumer sur le terrain», veut croire la présidente de la fédération LR de Paris, Agnès Evren. «Ils la planquent, car elle n'est pas populaire, assure Mao Peninou, ex-adjoint de la maire sortante aujourd'hui rallié à Cédric Villani. C'est frappant dans les quartiers populaires, elle n'y est jamais allée, ils ne veulent plus voter pour elle.» Une analyse à relativiser. Pour l'appuyer, le conseiller de Paris cite l'exemple du démantèlement du camp de migrants de la Porte d'Aubervilliers fin janvier, durant lequel la maire sortante aurait été chahutée. «Ce jour-là, c'était très calme», explique Julie Lavayssière, membre de l'association Utopia 56, même s'il y a «des tensions qui se reportent vers la mairie, car il est difficile de comprendre qui est responsable de quoi entre l'Etat, la préfecture et la municipalité». Missika tempère : «Oui, il y a des Parisiens qui gueulent, mais ça arrive à tous les maires et a fortiori à Paris où tout le monde râle pour tout.»
«Impolitesse». En réalité, le problème se situe plus entre Anne Hidalgo et les journalistes. Maltraitée par une partie de la presse de droite, la maire sortante n'est pas toujours à l'aise face aux micros et aux carnets. «Elle n'aime pas qu'on lui pose des questions sur des sujets qu'elle n'a pas préparés», explique un cadre de la campagne. Ses adjoints font donc office de gardes du corps. A la fin des conférences de presse thématiques quasi quotidiennes depuis le lancement de sa campagne mi-janvier, ce sont eux qui partent au front pour répondre aux questions des journalistes. Et s'agacent parfois du décalage entre le sujet du jour et les interrogations de la presse.
Mi-février, après une conférence sur le handicap, Jean Louis Missika a grondé. «Ce sont les associations qui ont pris la mouche parce qu'il n'y a eu que des questions sur [le remplacement de Benjamin Griveaux par] Agnès Buzyn, c'est une forme d'impolitesse, justifie-t-il a posteriori. C'est une manière de couvrir la campagne qui me laisse perplexe.» Qui a aussi pour inconvénient de perturber les plans de com de l'équipe, qui préférerait imposer son rythme.