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Témoignages

#JeSuisVictime, nouvelle vague de libération de la parole sur les violences sexuelles

Après la distinction de Roman Polanski aux césars, des dizaines de milliers de récits de viols et de violences sexuelles ont été publiés sur Twitter, sous la bannière #JeSuisVictime.
L'actrice Nadège Beausson-Diagne (à droite) avec Anne Marvin et Alexandra Lamy à une manifestation contre les violences faites aux femmes à Paris en novembre dernier. (ALAIN JOCARD/Photo Alain Jocard. AFP)
publié le 5 mars 2020 à 15h50

La soirée a fait l'effet d'une déflagration. Le césar de la meilleure réalisation, remis vendredi dernier à Roman Polanski, accusé de viol par plusieurs femmes, a suscité une vague de colère, illustrée par la décision de l'actrice Adèle Haenel et d'une dizaine de personnes de quitter la salle. Au lendemain de la cérémonie, la réalisatrice Céline Sciamma, membre du collectif 50/50, qui milite pour la parité dans le cinéma, s'est indignée : «Ce qu'ils ont fait hier soir, c'est nous renvoyer au silence, nous imposer l'obligation de nous taire. Ils ne veulent pas entendre nos récits.» Dans le même temps, des milliers de victimes de violences sexuelles ont exprimé leur indignation, en racontant sur Twitter ce qu'elles ont vécu, sous le hashtag #JeSuisVictime.

«J'ai encore des larmes de colère qui gravissent ma gorge depuis cette fameuse soirée. Et ces mots, on en a besoin pour continuer. 17 ans, je dis non. Il me viole. Je pleure en bas de chez lui, il m'appelle pour me dire d'arrêter», a par exemple tweeté une internaute, le 2 mars. «J'avais 16 ou 17 ans et j'ai mis 10 ans à mettre les bons mots dessus. 10 ans à nier et à ressentir de la culpabilité. 10 ans à me taire. Je ne me tais plus. Et je ne me tairai plus jamais. On ne devrait jamais en arriver à récompenser un violeur», a publié une autre.

«Je ne me tairai plus jamais»

Des personnalités ont aussi pris la parole sous cette bannière #JeSuisVictime, à l'image de l'actrice Nadège Beausson-Diagne, connue notamment pour son rôle dans la sitcom Plus belle la vie. «J'avais 9 ans. Le fiancé d'une amie de ma mère m'a violée régulièrement en me disant que c'était notre secret de ne surtout pas le dire à ma mère. J'ai cru que j'allais mourir. Je me rappelle de cette douleur. Je n'ai rien dit», a-t-elle écrit le 2 mars. Comme beaucoup, son récit a suscité d'innombrables témoignages de soutien, saluant le courage de cette prise de parole publique sur le réseau social. La jeune femme a aussi raconté un second viol, commis par «un réalisateur producteur» qu'elle accuse également de harcèlement, en Centrafrique, lorsqu'elle avait 30 ans. «Je ne me tairai plus jamais. J'ai retrouvé le sommeil grâce au travail psychanalytique et je serai la voix de celles qui ne peuvent pas encore parler», a-t-elle poursuivi.

«J'avais 9 ans. Il me disait que j'aimais ça et que j'étais douée. Il l'a fait dans mon lit, ma salle de bains, sa voiture, les vestiaires de l'athlé, la chambre de ses fils qui dormaient à côté de moi. C'était furtif mais ce sont les plus longs instants de ma vie», a quant à elle tweeté la comédienne et réalisatrice du film les Chatouilles, Andréa Bescond, lundi. Selon l'outil de veille des réseaux sociaux Visibrain, cité par l'AFP, ce hashtag est devenu en six jours aussi viral que #BalanceTonPorc : 204 286 messages ont été publiés sur les réseaux sociaux avec ce mot-clé, par plus de 84 000 utilisateurs (des femmes à 67%).

Vaste enquête

Depuis mardi, d'autres récits de viol émergent également sous le hashtag #JaiPasDitOui, lancé par le collectif féministe #NousToutes à la suite d'une vaste enquête menée auprès de 100 000 femmes sur le consentement. Il en ressort que neuf femmes sur dix ont déjà ressenti une pression pour avoir un rapport sexuel. Le collectif appelle à manifester ce dimanche 8 mars contre les violences sexistes et sexuelles et la culture du viol, reprenant le mot d'ordre lancé par la tribune de Virginie Despentes parue dimanche dans Libération : «On se lève, et on se barre.»