L'été dernier, Inchy-en-Artois, un village de 630 habitants coincé entre le Nord et le Pas-de-Calais, a fait parler de lui. Michel Rousseau, le maire, 63 ans, retraité de l'agriculture, avait affiché à l'entrée de sa commune cet avertissement : «Ici, nous avons des clochers qui sonnent régulièrement, des coqs qui chantent très tôt, des troupeaux qui vivent à proximité.» Les caméras avaient alors rappliqué et les habitants étaient contents de se voir à la télé.
Quelques mois plus tard, Michel Rousseau, le bagout facile et la poigne solide, explique que l'idée avait été piquée au maire d'une commune du Gard après l'affaire du coq Maurice, autorisé par la justice à chanter à l'heure de son choix sur l'île d'Oléron. Il raconte : «A Inchy, un habitant râlait parce que le coq l'empêchait de se reposer à 5 heures du matin. Mais lui faisait tourner son camion pendant un quart d'heure à la même heure. Et là, c'était normal, parce qu'il partait travailler.» Cela s'est fini par la mort du volatile, dans des circonstances suspectes. Un tir de chevrotine, soupçonne-t-on. Depuis, la basse-cour ne compte que des poules, et tout se passe au mieux.
Sabrina Duvauchelle, la gérante du café d'en face, le seul qui reste dans la commune, approuve l'initiative du maire : «Ici, on n'est pas un village terroir !» Ce café, ça a été l'un des gros projets du mandat. Un rachat par la commune du fonds de commerce pour éviter sa fermeture et le mettre en location-gérance. Au sein du conseil municipal, le projet en a fait frémir certains, pour qui ce n'est pas le rôle de la mairie d'encourager la consommation d'alcool et de tabac.
Mais Rousseau a tenu bon : «Avant, il y avait quatre cafés, deux boulangeries, deux boucheries, une charcuterie et deux épiceries. Tout ça a disparu au profit de la grande surface.» Aujourd'hui, tout le monde est bien content de s'arrêter au bar-tabac. Un jeune homme se pointe, il doit acheter cinq paquets de Gauloises pour un monsieur sous tutelle. Pour payer, il donne un coupon. Mais comment se faire rembourser ? La gérante demande au maire de lui expliquer la procédure. Dans ces petits villages, l'édile sert à tout.
A la tête de la commune depuis 2004, Michel Rousseau se représente cette année. Il n'y a pas d'autre liste. «Certains me disent que je suis centre-gauche, d'autres centre-droit», dit celui qui a intégré le groupe En marche au département. Sur les 15 membres du conseil municipal, 9 ne rempilent pas. Il a sur sa nouvelle liste «une équipe rajeunie, avec beaucoup de personnes de moins de 40 ans», précise-t-il. Un bon signe. De toute façon, son village va bien, les maisons en vente partent facilement.
Avec les réseaux sociaux, la vie du maire ne s'est pas arrangée : «Ça donne des idées à ceux qui s'ennuient un peu. Mais ils ont vu que je ne marchais pas là-dedans.» Rousseau est réfractaire aux râleurs, c'est comme ça. Il est né ici, et sans vouloir «retourner en 1900», il regrette le temps où «le maire, l'instituteur et le curé étaient respectés». Il soupire, à la table du conseil municipal : «C'est fini. Pour certains, le maire est un con.»