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Municipales

Peur de l’abstention et meetings virtuels : la campagne sous Covid-19

Dans la dernière ligne droite, les aspirants maires craignent notamment que les personnes âgées ne se rendent pas aux urnes.
Lors des législatives de 2017, dans la 18ème circonscription de Paris. (Photo Albert Facelly pour Libération)
par Maïté Darnault, correspondante à Lyon, Laure Bretton, Mathilde Frénois, correspondante à Nice et Stéphane Thépot, (à Toulouse)
publié le 8 mars 2020 à 21h21

Meetings annulés en cascade, poignées de mains interdites, tracts laissés au placard : la dernière ligne droite de la campagne municipale se déroule sous la pression sanitaire. Sans être annulé - le gouvernement jure qu'«il n'y a pas de plan A prime ou B» - le scrutin pourrait être perturbé. Dans certaines villes, des présidents de bureau de vote ont préféré se désister par précaution, pour ne pas passer la journée face aux files d'électeurs. «On va passer des consignes pour que les gens ne s'agglutinent pas dedans», temporise un conseiller ministériel. Reste l'impact du virus sur l'issue de cette élection intermédiaire qui s'annonce compliquée pour la majorité présidentielle. Le Covid-19 représente plus de risques pour les personnes âgées, qui fournissent les plus gros bataillons d'électeurs, donc «il y a des inquiétudes si le 15 mars, 80 % d'entre elles restent chez elles, dit un pilier de la Macronie. Ce sont eux qui font le plus barrage contre le Rassemblement national et cela peut avoir un impact sur les maires sortants.»

Partout en France, les électeurs et candidats s'adaptent aux consignes au jour le jour. Sur le marché provençal d'Antibes, dimanche, Fanny et Bénédicte assurent que le Covid-19 ne change rien à leur intention de se rendre aux urnes. «On n'est pas obligé de prendre les bulletins puis de se sucer les doigts, sourit Fanny. Les gens sont égoïstes. Ils pensent à leur petite santé avant l'intérêt général. Mais c'est très important de voter.»

«Avec des gants et un stylo»

Parmi ceux qui ont prévu de faire leur devoir électoral, certains prendront tout de même des précautions. Claudine ira «avec des gants et un stylo» pour pouvoir signer les listes d'émargement tranquille. Rosine, 83 ans, se protégera la bouche et le nez «avec un foulard et un mouchoir» : «Je vais voter, je fais mon devoir de Française. Depuis que j'ai eu la nationalité en 1963, j'ai toujours fait l'effort.» Paul, président d'un bureau de vote et candidat sur la liste du maire sortant LR, Jean Leonetti, explique que les isoloirs seront lavés «trois ou quatre fois» et que du gel sera mis à disposition des électeurs : «Pour le moment, personne ne m'a dit qu'il ne viendrait pas à cause du virus, mais les gens ont toujours une bonne excuse pour ne pas voter : une fois c'est la pluie, une fois c'est le froid…» Et peut-être le virus. A Villeurbanne (Rhône), dès mardi, on a vu fleurir l'idée de «meetings virtuels», retransmis en direct sur Internet avec possibilité de poser des questions via les réseaux sociaux. Il y en aura au moins deux avant le premier tour : celui d'Emmanuelle Haziza (ex-LR), avocate et candidate à la mairie et celui de Bruno Bonnell, député du Rhône, candidat (LREM dissident) à la Métropole de Lyon sur la circonscription villeurbannaise. «Au départ, tout le monde s'est moqué de moi, maintenant, tout le monde fait pareil, raconte, tout en modestie, le parlementaire macroniste de 62 ans. J'ai un défaut qui est aussi une qualité : je suis souvent un peu avant la vague, au risque de me la prendre dans le dos.» Après un gros rhume la semaine dernière, Bonnell a été testé (négatif) au Covid-19. La crise sanitaire devient même un argument électoral dans sa bouche : «L'amplification de l'épidémie est inexorable, le devoir d'un homme politique, c'est d'anticiper.» Autres avantages collatéraux du meeting virtuel, «tester un modèle de gouvernance plus participatif», dixit Bonnell. Et s'éviter un bide.

«Mauvais signal» 

A Toulouse, les listes de gauche avancent aussi dispersées dans les urnes que face au coronavirus. La candidate PS, Nadia Pellefigue, a annulé son meeting prévu mardi soir alors qu'elle attendait au moins 1 000 personnes, salle Mermoz. La conseillère régionale explique ne pas vouloir reproduire l'exemple du rassemblement évangélique dans le Bas-Rhin, qui a apparemment accéléré la diffusion du virus dans le département. «Ce n'était pas raisonnable de maintenir ce rassemblement», insiste l'élue qui a décidé de remplacer sa réunion publique par un «meeting numérique» sur Internet et les réseaux sociaux.

Sur le marché des boulevards, les militants de la liste Archipel citoyen, conduite par l'écolo Antoine Maurice et sur laquelle figurent des membres de La France insoumise, s'amusent presque de la décision de la candidate PS, à la traîne dans les sondages. Annuler un meeting, «c'est un suicide politique», réagit l'un d'eux, ironisant sur les difficultés du PS à remplir la salle. Pour l'instant, Archipel citoyen, qui surclasse toutes les autres listes de gauche à Toulouse, n'a pas prévu d'annuler son grand meeting de fin de campagne prévu jeudi au Palais des congrès. Ce soir-là, la liste du maire LR sortant, Jean-Luc Moudenc, doit réunir ses troupes salle Mermoz. «On a prévu des distributeurs de produits antiseptiques à l'entrée», précise le porte-parole de Moudenc, pour qui une annulation unilatérale donnerait un «mauvais signal». Pour LR, seul le préfet doit décider.