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Libération

Vincent Lambert : déjà deux livres et un même malaise

publié le 9 mars 2020 à 20h36

Vincent Lambert ne voulait pas que l’on en parle. Sa femme, Rachel, non plus. Mais tout le monde savait, et le suggérait à demi-mot. C’était un secret, ça ne l’est plus : Vincent Lambert a été violé dès l’âge de 9 ans.

Vincent Lambert est mort le 11 juillet 2019 après arrêt de l'alimentation et l'hydratation. Il avait été plongé plus de dix ans dans un coma végétatif à la suite d'un accident de voiture. Cette semaine, deux livres sortent : l'Affaire Vincent Lambert (éd. du Rouergue), écrit par la journaliste Ixchel Delaporte. Et Pour qu'il soit le dernier, de son neveu François Lambert (éd. Robert Laffont).

Deux livres, et un sentiment de malaise. Certes, ces ouvrages ne sont pas choquants, mais dans cette histoire si longue et si douloureuse, qui a débordé de haines et de rancœurs, on pouvait aspirer à un peu de silence. Non pour tourner la page, mais juste pour que la vie anonyme reprenne sa place. Pour son enquête, Ixchel Delaporte a fouillé avec obstination la vie de Vincent Lambert et celle de sa famille. Elle est complexe, recomposée, entre enfants adultérins et non-dits familiaux, le tout dans un contexte de catholicisme intégriste. L’auteure raconte avec précision les viols et attouchements sexuels dont a été victime Vincent Lambert, dès l’âge de 9 ans. Il a été agressé sexuellement par un prêtre de la Fraternité Saint-Pie X, une communauté traditionaliste à laquelle appartenaient ses parents.

Dans la famille Lambert, aux moments des faits, tout le monde était au courant et savait qui en était l'auteur. Contrairement aux rumeurs, la mère de Vincent a toujours défendu son fils. Et elle a dénoncé ces agressions auprès de la communauté. Mais, plus tard, Vincent n'a pas voulu porter plainte. Et sa femme ne voulait pas que ce sujet soit public. La journaliste ne s'est pas arrêtée là. Elle a retrouvé d'autres victimes. Tous ont mis en accusation «un prêtre d'une frange extrême, intégriste de l'Eglise catholique». Selon elle, le prêtre n'est plus à la Fraternité Saint-Pie X depuis 2014 mais dans un groupe «encore plus extrême», «la Résistance». Et il serait toujours en contact avec des enfants. Pour la journaliste, le fait que Vincent Lambert soit mort permet «de poser ces réalités de manière moins hystérique qu'au moment de l'emballement médiatique». Ah bon…

Le livre de François Lambert raconte lui aussi ces faits d’agression. Mais il revient surtout sur le déroulé juridique des huit années de procédure interminables qui ont suivi l’accident. François Lambert était proche de son oncle Vincent, seules quelques années les séparaient. Et François a eu le mérite de s’être battu depuis le début pour que la volonté de Vincent soit respectée. Découvrant les arcanes du droit, il s’est investi à fond dans le dossier, trouvant des parades aux requêtes des parents de Vincent, ce qu’il raconte en détail dans son opus.

Au final, dans les deux cas, on est gêné, frappé par l’absence de tendresse qui ressort de ces livres. Même si ce n’était pas leur objet.