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Nice : «Ce qui a du sens, c’est d’être une vraie force d’opposition»

A Nice, si les listes et les militants de gauche savent la tâche quasi impossible, elles voient la campagne comme une occasion de poser les jalons d’une future reconquête.
Mireille Damiano (au centre), candidate liste Viva à la mairie de Nice, Hervé Andres et Anne Laure Chaintron. (Laurent CARRE/Photo Laurent Carré pour Libération)
par Mathilde Frénois, correspondante à Nice
publié le 10 mars 2020 à 18h56

Quand Hervé Andres marche, on écoute ses pieds. Un bruit métallique à chaque pas : les cales sous ses chaussures claquent contre le trottoir. Si le candidat, quatrième sur la liste «Viva !», n'a pas ôté sa tenue de cycliste pour tracter, c'est qu'il retournera vite pédaler : il participe au Tour de Nice à vélo, un parcours en 26 étapes «pour aller dans tous les quartiers» décidé lors d'une assemblée populaire de cette liste citoyenne qui réunit des communistes, des insoumis, Génération·s ainsi que «60 % de membres non attachés à un parti politique» dont des gilets jaunes. Faire campagne à Nice quand on est de gauche nécessite de l'imagination. Déjà parce qu'elle est éclatée : le PS, Lutte ouvrière et cette liste citoyenne ne se sont pas associés. Ensuite, parce qu'il est compliqué d'exister face à une droite quasi indéboulonnable. «Il y a bien eu Jacques Cotta à la Libération. Mais depuis, on n'a eu aucun maire. La gauche ne s'est rapprochée qu'en 1977 de la mairie de Nice, j'avais 11 ans», sourit Hervé Andres. C'est lui qui ouvre la route. Avec son oriflamme accrochée au porte-bagages, il mène une file de sept cyclistes.

Distribution de tracts, le 29  février.

Photo Laurent Carré pour Libération

Ils ne se font pas d'illusion : détrôner Christian Estrosi (LR), après deux mandats et des sondages qui l'annoncent largement en tête, c'est mission impossible. Mais comment garder la motivation pour militer quand devenir maire n'est qu'une chimère ? «On a un autre objectif, coupe Nathalie Gastaud, dix-neuvième sur la liste. On sème des graines.» Saupoudrer des idées, pour peut-être entrer au conseil municipal. Un projet à long terme. «On n'a jamais imaginé qu'on allait gagner la mairie cette fois-ci, confirme Andres. On fait attention à ne pas faire de promesses qu'on ne tiendra pas.» Un point d'honneur pour la tête de liste de «Viva !», Mireille Damiano. «"Quelle est la première mesure que vous prendrez quand vous serez maire ?" A chaque fois qu'un journaliste me pose cette question, je hurle, prévient l'avocate. Les gens désertent les urnes parce qu'ils entendent des inepties et des promesses. Je ne suis pas maire, je ne le serai pas. Mais ce qui a du sens, c'est d'être une vraie force d'opposition.»

Les militants-cyclistes ont un bon coup de pédale. Partis de l'ouest de la ville, ils filent vers le centre. Un feu rouge ? C'est l'occasion d'échanger avec des passants. Une station de vélos en libre-service ? Les tracts finissent dans les paniers accrochés au guidon. Au recto, le programme : un plan vélo bien sûr, mais aussi la gratuité des transports en commun, la mise en place d'une régie agricole, la réduction de la pollution de l'air, l'encadrement des loyers. La petite troupe a pédalé 28 km le premier jour, 20 le second. «Et 100 mètres de dénivelé positif ! Ce n'est pas le Galibier, rigole Benoît Derijard, en cinquante-deuxième position. Le nombre de kilomètres est anecdotique. Notre contrainte budgétaire est telle qu'on doit être créatif.» En plus du Tour, les militants ont organisé un bal et un festival d'art.

Des partisans de la liste Viva de Mireille Damiano, place Garibaldi.

Photo Laurent Carré pour Libération

Que faire de ces kilomètres avalés derrière le guidon et de ces «graines» semées ? «L'idée, c'est de ne pas s'arrêter après l'élection, dit Hervé Andres. On continuera les assemblées populaires et on militera comme on l'a toujours fait.» Pour Mireille Damiano, «la restitution est fondamentale. On retournera là où on a été pour faire remonter ce que l'on porte. On peut parler des idées même sans être élu». Le peloton a terminé son parcours. Hervé Andres n'a toujours pas enlevé son casque : il continue de tracter à pied avec ses chaussures qui cliquettent.