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Libération
A la barre

Réquisitions : Fillon a «aggravé la déchirure désormais ancienne du pacte républicain»

Le Parquet national financier requiert cinq ans de prison dont deux ferme contre le candidat déchu de la présidentielle 2017 pour «détournement de fonds publics».
François et Penelope Fillon au Palais de justice de Paris mardi. (BENOIT TESSIER/Photo Benoit Tessier. Reuters)
publié le 10 mars 2020 à 19h32

Imagine-t-on le général De Gaulle en prison? Manifestement, le Parquet national financier (PNF) l’envisage pour François Fillon: il a requis ce mardi en fin de journée cinq ans de prison dont trois avec sursis contre le candidat déchu de la présidentielle 2017, pour détournement de fonds publics. Quoique : le reliquat de prison ferme (deux ans) est de ceux qui se négocient en aménagement de peine pour éviter à l’ex-Premier ministre d’aller vraiment au ballon.

Une sanction pour l'exemple, toutefois, à entendre le procureur, visant un «responsable politique de premier plan ayant aggravé la déchirure désormais ancienne du pacte républicain». Pis, un homme «conforté par un sentiment d'impunité, enfermé dans ses dénégations, persistant dans un comportement lucratif pendant des années, encore plus cynique de la part d'un responsable ayant fait de la probité sa marque de fabrique.» N'en jetez plus, nonobstant cette ultime pelletée de sel, avec le rappel de son argument, alors qu'il était Premier ministre, pour s'opposer à une augmentation du Smic : «Il est trop facile d'être généreux avec l'argent des autres.»

«Victime consentante»

L'argent des autres, dans ce procès des époux Fillon, ce sont les fonds publics de l'Assemblée nationale ayant permis à Pénélope d'encaisser un million d'euros sous prétexte de contrats d'assistante parlementaire (au présumé service de François, puis de son député suppléant dans la Sarthe). Pour elle, que le parquet qualifie de «victime consentante en toute connaissance de cause», l'accusation s'est contentée de requérir trois ans avec sursis – mais aussi, tout comme son mari, 375 000 euros d'amende. Et un poil moins (deux ans avec sursis) pour Marc Joulaud, l'homme lige des Fillon dans la Sarthe.

Le PNF joue gros dans ce procès et il le sait. En cas de relaxe de François Fillon, hypothèse qui n'est pas à exclure, il serait alors accusé d'avoir monté un coup tordu politique en pleine campagne présidentielle. Il s'en est donc défendu dès l'entame de son réquisitoire : «Oui, nous avons bousculé les habitudes judiciaires. Par le passé, ce genre de manquement était entré dans les mœurs, la classe politique bénéficiant d'un statut à part.» Les temps auraient donc changé.

Au cœur du sujet, les emplois de complaisance de Pénélope, dont le tribunal jugera s'ils furent un peu, beaucoup ou pas du tout fictifs. Une dernière pour la route sur François Fillon, dans la bouche du PNF: «Son habitude ancienne et constante de captation, dès que possible, de l'argent public pour assurer le train de vie» de sa famille. Les avocats de la défense rétorqueront mercredi.