«Forêts urbaines», «poumon vert», «promenades plantées», «rues jardins», «tapis végétal» et autres «cours oasis»… Les candidats rivalisent de termes fleuris pour promettre un grand bol d'air et un Paris plus vert. L'occasion, pour ses adversaires, de reprocher à la maire sortante son mandat «minéral». Et derrière le tronc commun des projets de végétalisation, des visions divergentes sur la densification de la ville.
«Ombrage»
Dans les programmes, à grand renfort de visuels «avant-après», reviennent les rues à piétonniser et à arborer, les quais à végétaliser, les cours d'école à rafraîchir et à débitumer. Dans le détail, Anne Hidalgo fixe l'objectif de planter 170 000 arbres sur la prochaine mandature, dont 100 000 sur les talus du périphérique. «Et on peut encore planter dans les bois, les cimetières, aux portes de Paris, sur les places et les berges», ajoute Pénélope Komitès, adjointe (PS) aux espaces verts, qui souligne le bilan de 20 500 arbres plantés depuis 2014. Hidalgo imagine quatre grands parcs (entre le Trocadéro et l'Ecole militaire ou à la place de l'héliport de Balard), autant de «forêts urbaines» (ainsi sur le parvis de l'hôtel de ville) et une centaine en miniature, très touffues sur des parcelles de 200 m². Son concurrent EE-LV, David Belliard, vise les 100 000 arbres en six ans. Il compte protéger les pistes cyclables bidirectionnelles par des haies, végétaliser 60 hectares de places de stationnement, ainsi que les abords des 300 écoles les plus touchées par la pollution qui seraient aussi piétons et créer une promenade le long de la petite ceinture. Pour Cédric Villani, ce seront trois «promenades plantées» dont une reliant le Stade de France à la Seine via le canal Saint-Martin. Après avoir récupéré le projet de Benjamin Griveaux, Agnès Buzyn (LREM) a exclu l'idée du «Central Park» à la place de la gare de l'Est et promet 240 «rues jardins» et l'aménagement de la petite ceinture. Rachida Dati (LR) résiste, elle, à l'appel du vert et se contente de vouloir nettoyer et sécuriser les deux bois et de recenser des espaces à végétaliser.
Ayant en tête le cuisant souvenir des 42° C franchis lors des canicules de 2019, chacun ou presque a intégré la nécessité de rafraîchir la fournaise qu'est la capitale en été et s'en remet aux arbres et à leurs vertus. Thermiques, mais pas que : brumisateurs et climatiseurs, ils piègent aussi le CO2, captent les particules fines, offrent à la biodiversité gîte et couvert. «Aux désagréments de la vie urbaine - température, pollution, débordement d'eau, bruit, la nature apporte des réponses pertinentes. Elle doit être pensée comme une infrastructure multiservicielle», vante le paysagiste Jean-Marc Bouillon, président de Takahé Conseil. L'ambition de quelque 100 000 arbres ne semble pas non plus «exorbitante mais tout dépend de la façon dont on aménage», prévient Sophie Debergue, ingénieure en urbanisme à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). «Le choix des essences, la plantation en pleine terre plutôt qu'en pot, complète sa collègue Solène Marry, docteure en urbanisme à l'Ademe. On peut facilement planter mais les arbres remplissent toutes leurs fonctions d'ombrage et de rafraîchissement une fois matures. Il faut une gestion adaptée : quantité de terre et des ressources en eau.» Une ville végétale doit donc être plus perméable et laisser l'eau abreuver les sols. La majorité sortante rappelle qu'elle a fait sauter l'asphalte sur 8,9 hectares et met en avant son programme pour recouvrir les cours d'école de revêtement perméable ou de pleine terre (31 projets réalisés, 20 en cours).
«Incohérence»
Mais si elle veut débitumer, Anne Hidalgo ne manque pas de rivaux pour lui tailler un costume de «bétonneuse». La candidate LFI Danielle Simonnet tacle «celle qui a passé la mandature à bétonner la moindre dent creuse et friche». «Il y a une incohérence entre le discours affiché et les actes posés en matière d'urbanisme», dénonce Pierre-Yves Bournazel. Tête de liste du XVIIIe investi par LREM, il s'est opposé, avec EE-LV, aux «projets de bétonnage du stade Championnet et [de la friche] du TEP de Ménilmontant : la maire a dû reculer sous la pression citoyenne et des élus». Soulignant que Paris est déjà très dense, ses opposants jettent surtout dans le jardin de la maire la pierre de la ZAC Bercy-Charenton et son projet d'y construire six tours - logements, bureaux et équipements. Le candidat EE-LV, qui souhaite y planter un troisième bois, veut en finir avec les «grands projets pharaoniques», citant aussi la tour Triangle (XVe). Dans le JDD, il opposait même «deux façons de concevoir l'urbanisme» et ciblait le «scénario anachronique» de la candidate PS. «Chez Hidalgo, ils veulent nous renvoyer à une opposition dangereuse entre la nature et l'urgence du logement», critique l'entourage de Belliard. «Bercy-Charenton, il faudra en discuter, on peut retravailler et faire évoluer le projet», laisse entrevoir la socialiste Pénélope Komitès, qui assume : «On ne peut pas arrêter de faire du logement, renvoyer les gens en périphérie, les éloigner de leur lieu de travail et saturer les transports.»