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Libération
Reportage

A Roubaix, les poubelles de la discorde

par Stéphanie Maurice, Correspondante à Lille
publié le 12 mars 2020 à 20h46

A Roubaix, les déchets font toujours parler d'eux. Dépôts sauvages, tri à la va-vite, poubelles débordantes, papiers traînant par terre appartiennent au quotidien. «Je ne vais pas jeter la pierre au maire, il est dépassé», soupire un commerçant de la rue de Lannoy. Jean-Claude, retraité du textile, partage cet avis : «Je ne dis pas que la mairie ne ramasse pas, mais c'est que le lendemain, il y a autant de cartons.» C'était pourtant une des promesses phares de Guillaume Delbar, le maire (ex-LR) il y a six ans, quand il a gagné Roubaix à la faveur d'une division de la gauche. Il se représente ce coup-ci face à une gauche encore plus éclatée : 11 listes sont en lice pour les municipales, dans une ville où l'abstention était à 61,6 % au premier tour de 2014.

Guillaume Delbar évacue le débat sur son idée d'embaucher des détectives privés censés pister et verbaliser les responsables des débordements de poubelles. L'initiative s'est révélée plus médiatique qu'efficace et a vite été oubliée. Les vraies mesures sont plus invisibles : renouvellement de la flotte des balayeuses automatiques, ajout de 100 poubelles par an dans les rues pour un total de 1 000 aujourd'hui, et nettoyage renforcé. «Le fond de la ville est plus propre, mais il reste le problème des dépôts sauvages», note Guillaume Delbar. Le maire a encore en mémoire l'appartement déménagé entre midi et deux, avec tout resté en plan sur le trottoir : «20 m3 en une heure trente, quand on voit apparaître un volume comme cela, c'est difficile.»

Pendant son mandat, la mairie a développé un réseau de caméras, géré depuis un centre de supervision urbaine municipal. «Depuis l'autorisation de la vidéoverbalisation en janvier, nous pouvons prendre la plaque d'immatriculation, et le contrevenant aura de nos nouvelles, précise-t-il. J'assume le côté répression, qui avait été oublié par la précédente municipalité.» Christiane Fonfroide, tête de liste d'une union PS-PCF-Génération·s, ironise sur les caméras «qui marchent une fois sur deux», et déplore cette approche sécuritaire. «On voudrait que les Roubaisiens se réapproprient cette question de la propreté dans leur quartier», précise-t-elle.

Une vision similaire à celle des écolos, qui veulent redynamiser la démocratie participative, en perte de vitesse, selon eux. Christian Carlier, tête de liste EE-LV, trouve «sympathique» la politique zéro déchet, menée par la mairie : 400 familles se sont investies pour diminuer drastiquement leurs poubelles et des actions sont aussi menées dans les écoles, pour justement changer les habitudes. Mais, dit-il, «cela reste des démarches individuelles, et nous doutons fortement que le volume des déchets ait baissé». Le sujet n'est pas anecdotique, souligne le candidat : « Cela fait partie du sentiment de stigmatisation des Roubaisiens, le fait qu'on tolère ici des choses qu'on ne tolère pas ailleurs. »