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Libération
Reportage

«Au Louvre, on oublie cette histoire de coronavirus»

Depuis deux semaines, le musée le plus fréquenté du monde observe une baisse de fréquentation liée à l'épidémie du coronavirus. L'occasion pour les visiteurs de profiter de salles moins bondées.
Des touristes au Louvre, le 5 mars. (Francois Mori/Photo François Mori. AP)
par Romane Pellen
publié le 12 mars 2020 à 9h59
(mis à jour le 12 mars 2020 à 11h38)

Au premier regard, tout semble normal. Au pied du musée du Louvre, il est 8h45. Des langues du monde entier s'échappent de la longue file d'attente formée par les visiteurs matinaux. Peu d'entre eux résistent à la tentation de se photographier devant la célèbre pyramide d'Ieoh Ming Pei. Un mercredi matin comme les autres, ou presque. Bal des masques chirurgicaux ou artisanaux, coups de coude entre agents de sécurité à défaut des poignées de mains habituelles… Autant de petits détails, évoquant l'épidémie du coronavirus, se glissent dans le tableau ordinaire du musée le plus fréquenté du monde. Pas de quoi décourager les visiteurs. Sac à dos sur les épaules, Maria Jose sillonne l'Europe depuis plusieurs jours. «Maintenant que je suis à Paris, autant que j'en profite !» s'exclame la Chilienne souriante, munie de son billet d'entrée qu'elle tient comme un trophée entre ses mains.

A la suite des dernières restrictions mises en place en France, le Louvre a décidé de réguler ses entrées et de les réserver uniquement aux visiteurs munis d'un billet électronique et à ceux bénéficiant d'une entrée gratuite. «Nous faisons de notre mieux pour que les gens puissent visiter le musée. Il est suffisamment grand pour ne pas contenir 1 000 personnes au même endroit au même moment», confie le Louvre, qui se dit «chanceux» que ces restrictions interviennent après la grande exposition consacrée à Léonard de Vinci.

«Il devrait y avoir le double de monde»

A l'intérieur, les rayons du soleil se frayent un chemin à travers les fenêtres du musée. Planté sur les marches qui mènent à la Victoire de Samothrace, Henry Wilson, béret beige vissé sur la tête et blouson de cuir sur l'épaule, admire la sculpture grecque. Cet Américain, originaire de Dallas, bien qu'inquiet par le coronavirus, n'a pas hésité à se rendre au Louvre. «Je crois en Dieu, s'il doit m'arriver quelque chose, c'est parce qu'il l'aura décidé», relativise-t-il.

D'une salle à l'autre, les visites guidées groupées et les visiteurs indépendants se croisent dans un ballet inhabituellement bien orchestré. Bien que ce soit une période creuse pour le musée, depuis deux semaines Mathieu (1), agent d'accueil et de surveillance, observe une «baisse de fréquentation». Celui qui garde un œil sur la salle des peintures françaises fait un parallèle avec «la psychose» autour de l'épidémie du coronavirus. «Il devrait y avoir le double de monde, surtout un mercredi matin… En général, les gens se marchent dessus pour photographier le Radeau de la Méduse ou la Liberté guidant le peuple», relève-t-il.

«Dans un contexte d’épidémie, l’art rassemble»

Aujourd'hui, pas l'ombre d'une bousculade. En toute quiétude, les visiteurs foulent le parquet de la salle aux murs bordeaux. Ils s'offrent même le luxe de s'asseoir pour admirer les œuvres. Un confort que s'accordent Nathalie et Alicia, venues spécialement de Dijon pour profiter d'une journée au Louvre. «C'est agréable, le coronavirus profite aux visiteurs», plaisantent la mère et la fille, qui craignaient davantage la fermeture du musée que le virus lui-même.

Le calme est de courte durée. Dans la salle voisine, une file d'attente de quinze minutes sépare les visiteurs de la Joconde. Ils sont nombreux à patienter pour immortaliser leur visage à côté de celui de Mona Lisa. Pour sa troisième visite du Louvre, Lili se contente des extrémités pour contempler l'œuvre. «C'est une bonne chose que le Louvre soit vide, je n'ai jamais vu la Joconde d'aussi près sans faire la queue», glisse la Canadienne cachée derrière son masque chirurgical bleu. Celle qui n'en porte que dans les lieux très fréquentés, ne veut surtout pas céder à la panique. «C'est en fermant des lieux sans réelles raisons, que les gouvernements créent un climat de peur. Là, au Louvre, on oublie cette histoire de coronavirus. Peu importe d'où on vient et le contexte d'épidémie, on est tous rassemblés ici parce qu'on partage un intérêt commun pour l'art

(1) Le prénom a été modifié.