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Coronavirus : l'exécutif peut-il reporter les municipales ?

A si courte échéance, il serait juridiquement compliqué pour l'exécutif de reporter les élections municipales, estiment deux professeurs de droits.
A Grenoble, mercredi. (JEFF PACHOUD/Photo Jeff Pachoud. AFP)
publié le 12 mars 2020 à 15h01

Reporter les élections municipales ? L'hypothèse, encore incertaine, est évoquée alors qu’une partie des électeurs déclare hésiter à se rendre aux urnes dimanches. À trois jours du premier tour, Emmanuel Macron devrait s’exprimer sur le sujet dans une intervention télévisée prévue dans la soirée.

Sur le papier, rien n'interdit de repousser le scrutin : les municipales prévues en 2007 avaient ainsi été reportées d'un an pour alléger le calendrier électoral. Mais la procédure est contrainte, rappelle le constitutionnaliste Dominique Rousseau : pour repousser les élections, «il faut une loi. Toutes les modifications des dates des élections ont été décidées par une loi, conformément à l'article 34 de la Constitution». Celui-ci dresse la liste des matières relevant de la loi par opposition au domaine du règlement, c'est-à-dire des actes pouvant être pris de manière automne par le gouvernement, par exemple par décret. Encore faut-il pouvoir soumettre un tel projet à l'Assemblée. Or, celle-ci a suspendu ses travaux le 9 mars et ne doit les reprendre que le 23, au lendemain du second tour.

«Normalement, il faut une loi, c'est clair, appuie Romain Rambaud, professeur de droit public et spécialiste du droit électoral. Passer par un simple décret serait a priori illégal.» Le juriste juge toutefois «possible» qu'un décret reporte de quelques jours le scrutin, pour laisser le temps à l'Assemblée de se réunir et de le renvoyer à plus long terme. «On peut aussi imaginer que le juge se serve de la jurisprudence des circonstances exceptionnelles», poursuit-il. Mal définie mais reconnue de longue date par la justice administrative, la notion ouvre la voie à des dérogations au droit dans des contextes critiques, tels que guerres ou catastrophes naturelles. «En l'état actuel de l'épidémie, cela ne me semble pas envisageable», poursuit néanmoins Romain Rambaud.

Autre outil à la disposition du gouvernement : l'état d'urgence, employé durant les émeutes en banlieue en 2005 et entre 2015 et 2017 en réponse à la menace terroriste. Invocable notamment face à toute «calamité publique», il offre des pouvoirs élargis aux autorités publiques, mais «ne servirait à rien dans le contexte présent [l'hypothèse du report d'une élection, ndlr] car il n'autorise pas le gouvernement à adopter des décrets illégaux», estime Romain Rambaud.

Quant à l'article 16 de la Constitution, il autorise le chef de l'Etat à prendre toutes «mesures exigées par les circonstances» en cas de menace grave et immédiate perturbant le «fonctionnement régulier des pouvoirs publics». Il n'a jusqu'ici été utilisé que par le général de Gaulle, face au putsch militaire de 1961. Mais ce dernier recours, qui établit temporairement une dictature de salut public, semble hors de proportion avec la situation actuelle.