Contre le coronavirus, nous luttions sans hâte. Nous passons à la mobilisation générale. La France suivait la tactique de la défense élastique, sang-froid affiché, mesures égrenées dans un prudent crescendo. La montée exponentielle des contaminations et le resserrement des contraintes dans les pays étrangers pouvaient donner le sentiment que Paris minimisait les périls. Coup de barre annoncé, donc, dans un discours plutôt bienvenu. Le report des élections municipales, un temps évoqué par la rumeur, n'eût pas manqué de susciter la critique. Pour le reste, le plan est rigoureux. Moralement : appel à «faire bloc», civisme exalté, dévouement des personnels de santé honoré. Concrètement : fermeture des écoles et des universités, limitation des déplacements, recours encouragé au télétravail. En ce début de printemps, la France, à son tour, entre en hibernation. Evénement majeur. Dans ces circonstances, la priorité va à la protection des plus fragiles. Les mesures annoncées y aident, les précautions spéciales prises envers les personnes âgées aussi. Mais la crise sanitaire se double d'une crise économique. Les Bourses européennes s'effondrent, l'activité se fige, des secteurs entiers sont sinistrés. Sous cette menace, les critères habituels de la rigueur économique sont balayés. Sur le plan budgétaire et monétaire, il s'agit d'éviter l'effondrement, dont les conséquences humaines seraient terribles. La pingrerie orthodoxe n'est plus de mise : on attend des mesures d'aide à la hauteur de l'enjeu, notamment au sein de l'Europe, absente depuis le début de la crise et qui semble se réveiller. Cet impératif a aussi son versant politique : l'argent qu'on ne manquera pas de dispenser pour limiter la crise sociale doit aller en priorité aux plus défavorisés. Quant aux réformes qui touchent les populations les plus exposées, comme celle de l'assurance chômage, elles doivent être, à tout le moins, reportées. Reste la question de fond : notre modèle de développement une nouvelle fois mis en cause, comme par la crise financière ou la crise climatique. Emmanuel Macron promet un vaste examen de conscience. Après le choc de 2007, les responsables politiques avaient tenu des discours semblables. La réponse fut décevante. En 2020, sur ce sujet crucial, il faudra passer aux actes.
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