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Libération

Est-il vrai que la France teste davantage que l’Italie, comme l’a affirmé le ministre de la Santé, Olivier Véran ?

publié le 13 mars 2020 à 20h21

«Si l'Italie a un taux de mortalité qui est élevé, c'est qu'ils testent moins. En France, on dépiste plus large, affirmait le ministre de la Santé, Olivier Véran, lundi sur BFM TV, réfutant l'affirmation de la journaliste qui l'interrogeait selon laquelle la France effectuait moins de tests que son voisin transalpin. Moins vous testez de malades, plus vous passez à côté de patients qui ne sont pas ou peu symptomatiques, et donc plus les malades sévères vont représenter une proportion importante des gens que vous avez dépistés.»

Force est d'abord de constater que la communication des autorités françaises sur le nombre de tests pratiqués dans l'Hexagone a été confuse, si ce n'est opaque. Les chiffres communiqués par les autorités ont d'abord beaucoup varié, sans aucune explication, avant de disparaître tout bonnement à partir du 6 mars. Le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, se bornant à déclarer quotidiennement que la France réalisait «plus de 1 000 tests par jour».

Même si le nombre de tests a augmenté depuis, le volume est sans commune mesure avec les chiffres italiens. Au 10 mars, l’Italie avait fait plus de 50 000 tests. Elle en annonçait deux jours plus tard plus de 85 000.

Sur quoi se base alors Olivier Véran pour affirmer que l’Italie testait moins que la France ? Le ministre évoquait en fait l’amplitude du spectre des profils testés. Avec cet argumentaire : avec plus de 460 décès pour 9 172 cas diagnostiqués positifs au 10 mars, l’Italie présentait un taux de létalité (nombre de décès rapporté au nombre de cas positifs connus) de 5 %. La France, au soir du 9 mars, comptait 30 décès pour 1 412 cas positifs. Soit un taux de létalité de 2,1 %. Non pas que le virus soit plus méchant de l’autre côté des Alpes. Mais l’Italie, suggère Véran, concentre ses tests sur les malades graves (chez qui le taux de décès sera logiquement plus élevé). Au risque de passer à côté de cas peu symptomatiques. A l’inverse, se félicitait le ministre, la France élargirait les diagnostics à des personnes peu symptomatiques. Bref, l’Hexagone testerait plus largement, à défaut de tester davantage en valeur absolue.

Mais cette différence tient surtout au fait que la France n’en est pas au même stade que l’Italie face à l’épidémie. Face à l’urgence, les Italiens ont dû, avant les Français, se focaliser sur la prise en charge et le diagnostic des cas les plus graves qui affluaient. D’où l’augmentation de la létalité.

Ajoutons que la mortalité plus ou moins forte s’explique aussi par des aspects propres à chaque pays (dont l’état du système de santé ou la pyramide des âges : deux facteurs qui contribuent aussi, selon les commentateurs, à la forte mortalité liée au coronavirus en Italie).

Si on devait essayer de comparer les tests réalisés dans les deux pays, il conviendrait au moins de le faire à des stades comparables de l'épidémie. Au 1er mars, l'Italie se trouvait, en termes de bilan, à un niveau proche de ce que connaissait la France au moment où parlait Véran : 1 700 cas positifs pour 34 décès, contre 1 412 cas positifs pour 25 décès en France au 9 mars. Pour reprendre l'indicateur d'Olivier Véran, le taux de létalité en Italie il y a dix jours était donc très proche des chiffres français du début de semaine. Et à cette date, l'Italie avait réalisé 21 127 tests. Environ deux fois plus que la France au même stade de l'épidémie.