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Décryptage

Municipales : du RN au PCF, quels enjeux pour les partis ?

Au meeting de Rachida Dati, candidate LR à Paris, lundi. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 13 mars 2020 à 19h36

Alors que les Verts s'attendent à des succès dans plusieurs grandes villes, les autres partis politiques abordent le scrutin avec différentes attitudes.

La République en marche : la peur de la débâcle

Quasi-unanimité. Ces dernières semaines, les sondages s'accordent à prédire des scores médiocres pour les candidats de La République en marche : ils sont souvent donnés en troisième ou quatrième position. Une défaite annoncée ? Tout en faisant profil bas, la direction du parti s'est trouvé des raisons de ne pas désespérer. Selon la député LREM Marie Guévenoux, responsable de la commission d'investiture du parti, la forte progression des listes étiquetées «divers centre» dans les villes de plus de 3 500 habitants prouve que «la recomposition politique» engagée par Macron n'a pas fini de produire ses effets.

A en croire le nuançage proposé par le ministère de l'Intérieur et très contesté par la droite comme la gauche, le nombre de listes classées au centre est passé de 342 en 2014 à 1 622 en 2020. Dans le même temps, les listes PS sont passées de 682 à 175 et celles étiquetées Les Républicains de 539 à 305. Seule exception, les listes EE-LV progressent de 135 à 182. Nouveau venu aux municipales, LREM ne se présente que dans la moitié des villes de plus de 9 000 habitants. Dans la majorité des cas, les macronistes se contentent de soutenir des maires sortants issus de LR ou, plus rarement, du PS. Pour le reste, le patron du parti, Stanislas Guerini, estime qu'il aura atteint son objectif de conforter son «ancrage local» s'il parvient à faire élire 10 000 conseillers municipaux. En réalité, dimanche soir, le parti majoritaire sera surtout jugé sur ses résultats à Paris ainsi que dans des villes comme Strasbourg, Besançon ou Metz sur lesquelles il fondait ses plus grands espoirs.

La France insoumise : les grands absents du scrutin

Les insoumis esquivent les municipales. Après sa gamelle aux élections européennes au printemps dernier, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon s'interroge sur son avenir. Faut-il enterrer La France insoumise et mettre au monde un nouveau mouvement pour (tenter) de créer une (nouvelle) dynamique ? Les avis divergent en interne. Une tête pensante sceptique : «Changer le décor, très bien, ça peut-être utile. Mais si le 22 mars les écolos gagnent plusieurs mairies, ça sera difficile pour nous de les rattraper alors que la présidentielle vient vite» derrière. Le choix des insoumis - soutenir des listes citoyennes ou se ranger derrière un candidat de gauche - ne fait pas marrer tout le monde. De nombreux militants grimacent, notamment en Seine-Saint-Denis. Ils voulaient se battre sous leurs couleurs. Interdit. A Montreuil et Bagnolet, par exemple, les chefs de LFI ont décidé de soutenir les communistes. Le député du coin, Alexis Corbière, assume : «Politiquement, c'était le meilleur choix, une municipale ça ne s'improvise pas.»

Depuis son départ du PS en 2008, Mélenchon a toujours eu du mal lors des élections intermédiaires. Des mauvais scores à la pelle. Cette fois, grâce au choix de ne pas afficher le logo au premier plan, personne ne sera en capacité de donner le score exact de LFI.

Et si l’on ajoute à ça le débat houleux des retraites à l’Assemblée et surtout la lutte nationale contre la propagation du coronavirus, l’absence des insoumis sur les podiums municipaux pourrait quasiment passer inaperçue. On oublierait presque qu’il y a trois ans, Jean-Luc Mélenchon était à la porte du second tour lors de la présidentielle.

Le parti communiste : garder ses positions, faire tomber Philippe

Les rouges marchent sur un fil pour éviter de tomber. D’un côté, ils mènent le combat derrière des socialistes ou les écologistes partout dans le pays. De l’autre, ils serrent les dents pour récupérer ou éviter de perdre quelques bastions historiques, notamment en Seine-Saint-Denis. Comprendre : participer aux différentes dynamiques pour passer le message à leurs alliés que l’avenir se dessine avec eux, et sauver les meubles.

En Seine-Saint-Denis, qui fut surnommée la «ceinture rouge de Paris», les communistes luttent pour récupérer Saint-Ouen et Bobigny. La baston est rude mais l’espace existe pour qu’ils passent. A Saint-Denis, c’est plus compliqué. La ville est dirigée par les communistes depuis la Libération et risque de tomber dans les bras du socialiste Mathieu Hanotin.

Un cadre du PCF : «On ne peut pas dire que nous sommes en dynamique mais on peut dire que nous ne sommes pas en mauvaise posture sur nos terrains. Si l'on conserve Dieppe, Ivry-sur-Seine, Montreuil, qu'on ne perd pas Saint-Denis et que l'on récupère une ou deux villes moyennes, on passera une belle nuit le soir du second tour.»

Lorsque l’on discute avec les communistes, une ville revient souvent dans la discussion : Le Havre, sur laquelle tous les regards seront braqués dimanche. Le candidat rouge, Jean-Paul Lecoq, soutenu par les insoumis, va tenter de faire trébucher le Premier ministre, Edouard Philippe. Le challenger communiste y croit chaque jour un peu plus, notamment depuis l’épisode du 49.3 pour faire passer la réforme des retraites.

Pour le secrétaire national, Fabien Roussel, qui a bataillé ferme contre le texte à l’Assemblée nationale, une victoire face au Premier ministre serait un magnifique coup de projecteur pour les siens.

Les républicains : se requinquer par les villes

Allait-on leur voler la victoire ? L’hypothèse d’un report des municipales, désormais démentie, a soulevé à droite des cris indignés. De Christian Jacob, chef des Républicains, à Gérard Larcher, président du Sénat, en passant par François Baroin, patron de l’Association des maires de France, tous ont fait savoir qu’une telle décision vaudrait fin de la trêve décrétée pour cause de crise sanitaire.

S'il y a quelque chose de politique dans la décision d'Emmanuel Macron, la pression de la droite n'y est pas pour rien. Celle-ci place bien des espoirs dans un scrutin dont, pour la première fois depuis 2017, elle pourrait sortir debout. Du moins si, comme elle l'anticipe, ses nombreux sortants se voient massivement reconduits : de Reims à Toulouse, d'Aubagne à Evreux, nombre de villes avaient chaviré dans la «vague bleue» de 2014. Peut-elle, en plus, rêver de conquêtes ?

S’agissant de Paris, derrière l’enthousiasme de rigueur pour la campagne de Rachida Dati, la plupart des cadres LR n’y croient guère. On observe avec plus d’optimisme les cas de Lyon, Metz et Orléans. Le tableau n’est pas sans nuages. A Marseille, une dissidence fragilise la favorite LR, Martine Vassal.

Mais, partant de si haut, la droite est plus susceptible de céder du terrain que d'en gagner. Certains sortants s'étant rapprochés du macronisme, leurs éventuelles victoires seront, dans les statistiques officielles, mises au crédit du centre. «Il y aura un enjeu de lecture des résultats, prévient un député LR. Je vois bien les titres : «Poussée des verts, LR maintient ses positions». Ça ne fait pas une victoire…» Pour un autre parlementaire, «c'est vrai qu'on aura du mal à désigner le gagnant, mais il sera facile de trouver le perdant. Notre victoire, c'est l'échec de LREM, dont le plan était de nous foutre en l'air aux européennes puis de nous achever aux municipales». L'entre-deux-tours s'annonce pourtant gros de dilemmes : faudra-t-il envisager un rapprochement avec LREM, là où une telle alliance permettrait de conserver ou de gagner une mairie ? Nationalement, le parti n'a aucun intérêt à donner le sentiment qu'il peut s'entendre avec le macronisme. Mais il n'aura pas forcément les moyens d'imposer cette ligne aux candidats tentés par un tel dialogue.

Le rassemblement national : profil bas pour l’autoproclamé «premier parti»

Dès le début de sa campagne, le Rassemblement national a affiché des objectifs très peu ambitieux pour qui se prétend «premier parti de France» à longueur d'affiches. Objectif le 22 mars : garder la dizaine de villes gagnées en 2014 et élargir autour, par effet «d'inondation». Pariant sur la prime au maire sortant, le parti a pondu un slogan : «La gestion RN, ça marche !»

A Hénin-Beaumont, cela devrait même permettre la réélection de Steeve Briois dès le premier tour. Comme à Béziers, où Robert Ménard est soutenu par le RN. Pour le reste, il s'agira de «gagner un certain nombre de communes», dit-on sans plus de précisions. Les frontistes évoquent Perpignan, avec Louis Aliot candidat, comme leur «plus belle chance de victoire».

Ce profil bas tranche avec l’optimisme affiché lors des européennes. Mais à l’époque, le scrutin était plus simple à lire : il s’agissait d’une élection nationale et le RN en avait fait le match retour de la présidentielle face à Emmanuel Macron. Pour les municipales, la situation est autre : le parti n’a jamais brillé au niveau local. De plus, ses bilans à la tête des mairies remportées il y a six ans sont mitigés : au mieux neutres et donc insipides.

Il y a aussi eu ces départs de conseillers municipaux déçus par poignées : le RN a perdu plus d'un tiers d'entre eux depuis 2014. Un record. Dans ce contexte, Marine Le Pen espérait faire venir à elle des candidats venus d'ailleurs pour illustrer le mot «rassemblement» du nom du parti. Mais les ralliements se sont comptés sur les doigts d'une main. De fait, le RN n'a pas présenté de listes partout. Il est absent dans plus de deux tiers des principales communes et présente moins de 400 listes dans celles de plus de 3 500 habitants, soit une baisse de 28 % par rapport à 2014.

Meeting de Cédric Van Styvendael, candidat investi par le Parti socialiste à Villeurbanne, près de Lyon, le 15 janvier.

Le Parti socialiste : fidèles aux fiefs

Un mot revient souvent dans la bouche des socialistes, qui adorent la novlangue politique. Ces derniers temps, ils parlent beaucoup de «territoires». La formule permet d'expliquer que le Parti socialiste est sérieusement mal en point sur la scène nationale mais qu'il respire mieux lorsqu'on s'éloigne du pouvoir central. A l'issue du second tour, le 22 mars, le PS espère avoir conservé de nombreuses grandes villes. Des fiefs symboliques comme Paris, Nantes ou Rennes, et d'autres tout aussi importantes comme Clermont-Ferrand ou encore Villeurbanne, où se dispute un match serré avec les écolos.

Les roses aimeraient aussi créer une ou deux surprises. Le premier secrétaire du parti, Olivier Faure, mise d'ailleurs sur ce scrutin pour prouver aux oiseaux de mauvais augure que, sans les socialistes, la gauche ne peut pas espérer grand-chose. Au début du quinquennat Macron, le PS avançait sur la pointe des pieds, ne sachant pas trop comment se positionner face au Président. Aujourd'hui, il cogne sur le gouvernement du matin au soir. Des attaques qui facilitent les discussions avec les autres familles à gauche. Du coup, les socialistes affichent une certaine tranquillité. Un dirigeant : «C'était vraiment compliqué lors des européennes, on risquait l'élimination, mais cette fois c'est différent. On devrait conserver nos mairies et on peut en gagner d'autres derrière les écolos.» Cette bonne humeur donne des ailes : le PS souhaite «nationaliser le débat» afin d'expliquer aux électeurs que le bulletin rose est la meilleure arme démocratique contre Macron. Ce qui ressemble à la stratégie de LFI lors des européennes. Sauf qu'à la fin, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon était tombé de haut, terminant sur un tout petit score de 6,3 %.