Menu
Libération
Décryptage

Coronavirus : congés payés, télétravail... ce que les employeurs n'ont pas le droit de faire

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Refus du télétravail, congés imposés, menace autour du droit de retrait, niveau de protection insuffisant… Face à la crise sanitaire et économique, syndicats et salariés dénoncent certains abus de la part des entreprises.
A La Poste, dans les banques, les commerces, des salariés craignent pour leur santé et veulent exercer leur droit de retrait. (Antoine Merlet/Photo Antoine Merlet. Hans Lucas)
publié le 20 mars 2020 à 16h23

Refus du télétravail, congés payés imposés, menace autour du droit de retrait, niveau de protection insuffisant… Face à la crise sanitaire et économique, syndicats et salariés pointent des abus des employeurs dont certains sont passibles de sanctions. Car même si la situation est exceptionnelle, tout n’est pas permis. Le point sur trois choses qu’un employeur ne peut pas faire pendant cette période de crise sanitaire.

Imposer la date des congés payés

Certains tentent de tordre le bras à leurs salariés. Pourtant un employeur ne peut pas contraindre un employé à prendre ses jours de CP en urgence. La situation est un peu différente, en revanche, si les dates des CP ont déjà été fixées. Dans ce cas, compte tenu des «circonstances exceptionnelles», l'employeur peut «unilatéralement, si la situation le requiert [les] modifier», et ce sans respecter le délai d'un mois normalement prévu, précise le ministère du Travail. Mais des règles strictes encadrent cette dérogation, note Simon Picou de la CGT du ministère du Travail, qui rappelle que les CP sont faits pour «couvrir une période de repos», et non une période de quarantaine. Quant aux jours de RTT, «il faut se référer à l'accord de branche ou d'entreprise», note la CFDT. Les règles pourraient cependant changer avec les ordonnances prévues par la loi d'urgence sanitaire. Cette dernière prévoit en effet de permettre à «tout employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d'une partie des congés payés». Mais un amendement du Sénat propose de limiter cette dérogation à six jours ouvrés.

Refuser le télétravail

«Tous les salariés qui peuvent faire du télétravail doivent faire du télétravail, d'office et sans formalité.» Le message du ministère du Travail est clair : si le poste est adapté, le télétravail doit être la règle. Il peut être décidé de manière unilatérale par l'employeur lors de situations exceptionnelles, comme une épidémie. Mais un salarié peut aussi, dans ce cas, imposer le télétravail à son employeur, précise le ministère, si son poste le permet. Reste une question : que se passe-t-il lorsque le télétravail est possible en théorie, mais que la situation personnelle du salarié rend l'exercice difficile, en cas de difficultés à se connecter à Internet par exemple ou s'il garde ses enfants par exemple. Réponse du ministère : là aussi, le télétravail est la règle, mais avec un «principe de tolérance» de la part de l'employeur. Concrètement, ce dernier doit alors adapter la charge ou le type de travail demandé. A noter par ailleurs que si le salarié est en chômage partiel ou en arrêt de travail, l'employeur ne peut pas lui demander de continuer de travailler. «C'est totalement illégal et ça va être lourdement sanctionné», prévient la ministre du Travail.

Faire pression contre le droit de retrait

A La Poste, dans les banques, les commerces, des salariés craignent pour leur santé et veulent exercer leur droit de retrait. Ce dernier permet à un employé, en cas de situation de travail présentant «un danger grave et imminent», de quitter son poste de travail. Au grand dam des employeurs qui tentent de les dissuader avec, parfois, des méthodes douteuses. Exemple chez Amazon où des salariés ont été menacés de ne plus être payés. Des pressions «inacceptables», de l'aveu même du ministre de l'Economie. Mais le gouvernement, soucieux de maintenir l'activité, multiplie par ailleurs les mises en garde contre l'utilisation de ce dispositif. «Le droit de retrait s'apprécie au cas par cas», précise le ministère qui explique que si les entreprises respectent les gestes barrières, «elles respectent leurs obligations en matière de santé», ce qui rendrait le recours au droit de retrait non justifié.

Pour la CFDT, il ne faut pas exercer ce droit «à la légère» car il «ne s'applique pas systématiquement». Avec le risque pour le salarié, si les conditions d'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, de s'exposer «à une retenue sur salaire, à une sanction disciplinaire voire, à un licenciement». Reste que seul le juge est compétent pour trancher la question. Et qu'à l'inverse, si les tribunaux donnent raison à l'employé, l'employeur s'expose aussi à des sanctions, y compris pénales. Ces derniers, tenus à une obligation de santé et de sécurité, ne doivent donc pas lésiner sur les mesures visant à protéger leurs salariés.