Le roi du marché Edgar-Quinet à Paris ce samedi matin, c’est incontestablement Fabian, le poissonnier, qui s’est confectionné un masque avec une coquille Saint-Jacques. Il la porte plutôt en collier que devant son nez mais bon, ça fait rire. Pour les choses sérieuses, Fabian fait davantage confiance à la muraille de film plastique qu’il a érigée entre sa marchandise et ses clients pour créer une protection.
Est-ce que ça fonctionne ? Manifestement, chez les commerçants du marché, il y a deux écoles : ceux qui filment en entourant l’étal avec des kilomètres de plastique transparent et ceux qui laissent tout à l’air libre, comme d’habitude. Auxquels s’ajoute une troisième sous-catégorie : ceux qui filment un peu mais pas trop. Il faut bien que les gens puissent voir ce qu’ils achètent.
Hakim avait suremballé son étalage de fruits et légumes : il a tout enlevé. «Les clients ne voyaient plus les produits et ne nous voyaient plus non plus», dit sa femme. Chez Christophe le boucher, un film a bien été tiré mais la protection semble plus symbolique qu'efficace. D'ailleurs, la vitrine fait déjà le boulot. Devant un maraîcher, ce sont des cageots posés verticalement qui matérialisent la distance entre clients. Décoratif et poétique.
La rhétorique du marché s'adapte aux circonstances. Entendu au stand de la Ferme de Sarlat, volailles du Périgord noir : «Dans le confinement, une cuisse ça se refuse pas !» (c'est une promo). Lu à l'étal des huîtres Deshaies, Saint-Pierre-d'Oléron : «Suite aux circonstances actuelles, c'est notre dernier samedi». C'est écrit sans malice : la patronne veut juste signaler qu'elle s'arrête maintenant plutôt que fin avril comme d'habitude.
La semaine prochaine, ce marché linéaire ne comportera que l’un des deux côtés, avec alternance d’une semaine sur l’autre. Une demi-mesure avant une fermeture totale ? D’ores et déjà, les clients sont moins nombreux. Les commerçants sont prêts à bricoler des systèmes de livraison pour leurs fidèles. Au marché, on se débrouille.