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Libération
Ma vie de confiné

«J’ai l’impression que le monde entier s’est mis à mon rythme»

Chronique «Ma vie de confiné»dossier
Chaque jour, «Libé» donne la parole à des confinés, de tout poil, pour raconter leur vie à l’intérieur. Les galères petites ou grosses, les angoisses parfois mais aussi les joies et petits bonheurs imprévus. Aujourd'hui: Anaïs, sur le point d'accoucher.
Le quotidien d'Anaïs n'a pas beaucoup changé avec le confinement (DR)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 21 mars 2020 à 9h49

Anaïs, 43 ans, est enceinte de son troisième enfant. Elle doit accoucher d’un jour à l’autre et attend les contractions confinée dans son appartement de la Joliette, à Marseille.

«Ça y est, j’ai dépassé la date de mon terme, j’accoucherai donc au plus tard le 24 mars. J’ai eu mon dernier rendez-vous à la maternité et bonne nouvelle: mon compagnon, qui ne devait même pas être autorisé à entrer à l’hôpital à cause de l'épidémie, pourra au moins m’accompagner pendant l’accouchement… en gros, dès que le travail est très avancé, il sera autorisé à entrer et devra repartir dès que je remonterai dans la chambre.

C’est très violent, on va vivre un moment très fort, et après, lui va se retrouver seul, loin de nous… Pour l’instant, on est un peu en état de choc. Au moins, sur le plan médical, les médecins m’ont rassurée. J’ai quand même un peu l’angoisse d’accoucher avec un masque sur le nez. Quand t’as besoin d’air, c’est pas terrible! J’espère que je resterai le moins longtemps possible à la maternité, pour retrouver vite mes proches. Là encore, le retour va être compliqué. Mes deux grands enfants sont pour l’instant chez leur père, mon ex-conjoint. Normalement, on est en garde alternée mais vu la situation, on a préféré les laisser chez lui pour éviter les risques de contamination. C’est un peu triste de se dire qu’ils ne seront pas là pour l’arrivée du bébé. On va organiser une rencontre avec leur frère à distance, par vidéo, mais bon, c’est pas terrible… On verra bien dans les jours qui suivent.

En attendant, mon quotidien ne change pas trop. J’étais confinée de toute façon, trop grosse pour bouger beaucoup! Du coup, j’ai plutôt l’impression que c’est le monde entier qui s’est mis à mon rythme, c’est très reposant pour moi. Je n’aurai rien à rattraper puisque tout est ralenti. Je fais le tour de mon quartier le matin, une autre courte balade le soir, à la nuit tombée. La situation permet aussi de se recentrer sur l’essentiel: pas besoin de siège auto, ou autre poussette adaptée pour les nourrissons vu qu’on ne va pas se déplacer. On avait aussi prévu de déménager dans quinze jours, on a préféré tout reporter. Et pour le prénom aussi, c’est réglé… enfin presque!»