Il est 23 heures ce samedi. Sur l'avenue Jean-Médecin, axe le plus passant de Nice, des bruits insoupçonnés réapparaissent. Le ronron d'une armoire électrique, la soufflerie de l'aération d'un magasin et les chats qui se battent au loin. Seuls Haikel et Jeff (1) se baladent encore. Le premier rentre du travail, le second sort son chien. Si le centre-ville est silencieux et désert, c'est qu'un arrêté municipal impose désormais le couvre-feu de 23 heures à 5 heures, à trois exceptions : les déplacements professionnels, les raisons de santé et l'assistance d'urgence à une personne vulnérable. Exit donc les attestations pour faire du sport ou descendre les poubelles : à Nice, elles ne fonctionnent plus la nuit. «C'est trop. On dirait une ville de zombies et ça fait peur, estime Haikel. C'est abusé.» Jeff tient la laisse d'une main et son portable de l'autre. Il filme : «On se croirait dans un autre monde, c'est hallucinant, dit-il. Ce n'est pas le virus qui fait peur, c'est l'ambiance.» Jeff rentre chez lui «avec onze minutes de retard» : il s'expose à une amende de 38 euros pour non-respect du couvre-feu.
Sur l'Avenue Jean Médecin, samedi soir.
Photo Laurent Carré pour Libération