Paulette a 93 ans, «bientôt 94». Depuis plus d’un an, elle s’est établie aux «Jardins du Castel», un Ehpad d’Ille-et-Vilaine qui compte 121 résidents. Depuis dix jours, les visites y ont été suspendues, et les activités ont aussi été bouleversées par l’interdiction de faire pénétrer des intervenants extérieurs.
«Ma fille venait me voir toutes les semaines après le travail, avec mon gendre. La dernière fois que je les ai vus, c’était il y a deux semaines. Et maintenant, je suis bien attrapée, comme tout le monde. Ils me manquent, bien sûr. Mais mon fils me téléphone tous les matins, et ma fille, tous les après-midi, sur mon portable. Bon, je ne maîtrise pas tout, je ne sais pas écrire les SMS par exemple, mais il ne faut pas trop m’en demander. Là, j’ai sorti mon papier avec mes numéros de téléphone pour souhaiter sa fête à un ami. C’est la saint comment déjà aujourd’hui ?
«Ça commence un peu à me bassiner les infos. C’est bien embêtant cette situation, vivement qu’on n’en entende plus parler, que ce soit terminé cette histoire. Heureusement, les animatrices s’occupent beaucoup de nous : elles proposent toujours quelque chose de nouveau, des jeux, on discute… Avant, on avait une dame qui venait pour faire des ateliers couture. Mais elle ne vient plus, alors on apprend la couture sans couturière, avec les animatrices. Elle nous a laissé ses machines à coudre, heureusement. J’aimais aussi beaucoup jouer à la sarbacane avec l’animateur sportif, mais il ne peut plus venir non plus : on soufflait dans une grande tige pour viser des cibles. Ça fait travailler le souffle et les cordes vocales.
«On se retrouve encore à table avec les autres résidents, même si maintenant c'est chacun son étage, et les tables ont été espacées, mais c'est très bien comme ça. Et puis, j'ai mes petits rituels : je fais ma petite sieste, un peu de marche. Et je lis beaucoup. J'ai commencé à la mort de mon mari, il y a huit ans. Avec un livre, on pense moins. En ce moment, je lis Un parfait inconnu, de Danielle Steel. C'est très bien.»