La découverte de trois nouveaux cas de Covid-19, dimanche, et de trois autres lundi, porte le total à huit malades en Nouvelle-Calédonie, hospitalisés au CHT du Grand Nouméa. En réaction, l'Etat et le gouvernement local ont annoncé le durcissement des règles de confinement, sur le modèle national, à compter de cette nuit. Spécificité locale, l'activité minière s'ajoute à la liste des «services vitaux» qui doivent être maintenus. La décision de filtrer l'accès aérien au Caillou, prise en fin de semaine dernière, a entraîné la mise en quatorzaine de 1 200 voyageurs dans des hôtels réquisitionnés, dont le Méridien, l'établissement huppé de Nouméa. «Une situation difficilement tenable», indique le gouvernement, qui se prépare à transférer en confinement à domicile ceux qui disposent d'un logement sur le Caillou. Désormais, toutes les liaisons internationales et domestiques sont interrompues, sauf deux rotations avec la métropole prévues mardi et vendredi, pour le fret et pour rapatrier les professionnels de santé et les Calédoniens «en situation humanitaire délicate» hors du territoire.
«Non au Covid-19 dans nos tribus»
Sur fond de tension latente liée à l'économie ralentie depuis des mois, aux fortes inégalités et à la division entre indépendantistes et loyalistes, le verrouillage du territoire, jugé trop tardif, met en colère une partie de la population. En fin de semaine, les ultimes navettes circulant entre l'aéroport international de Tontouta et la ville ont essuyé des caillassages. Dans la soirée de dimanche, une soixantaine de jeunes Mélanésiens ont défoncé les baies vitrées de l'aérogare et s'en sont pris aux véhicules sur le parking. Ailleurs, en Brousse, des Kanaks des communes de Bourail, Canala et Touho montent des barrages filtrants. «Non au Covid-19 dans nos tribus», lit-on sur une banderole au pont de Tiwaka, à Touho, où les hommes, masques de chantier sur le visage, arrêtent les véhicules et vérifient les motifs des déplacements.
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Thierry Santa, le chef du gouvernement local, a envoyé ce lundi une lettre au Premier ministre demandant une aide financière exceptionnelle de 56 milliards de francs CFP (500 millions d'euros) afin de perfuser le tissu économique. Elle doit permettre de compenser la faiblesse du dispositif calédonien de chômage partiel, qui ne prévoit qu'une indemnisation équivalente à 800 euros par mois quel que soit le niveau de salaire. Elle servira aussi à mettre en place un fonds de solidarité pour les TPE et PME. Ici, la vie est très chère, et les messages de Calédoniens angoissés à l'idée de ne plus pouvoir se nourrir si la situation perdure fleurissent sur les réseaux sociaux. Le gouvernement est à l'écoute, envoyant son porte-parole et responsable de l'économie, Christopher Gygès, informer la population lors d'un point presse quotidien, relayé in extenso par les médias. Objectif : rassurer en affichant une «transparence totale». Dans ce pays inscrit sur la liste des territoires à décoloniser de l'ONU, encore traumatisé par les violences communautaires des années 80, à la peur du virus s'ajoute celle de voir les haines rallumées par la pandémie.