Menu
Libération
Éditorial

Retard

publié le 23 mars 2020 à 21h06

Le cours de la science n’a rien d’un long fleuve tranquille. Le savoir progresse souvent par bonds, par ruptures, au travers de furieuses controverses. Les noms les plus connus de la médecine ont souvent mené des batailles homériques. Ambroise Paré mit longtemps à démontrer que les ligatures d’artères soignaient mieux les blessures de guerre ; Pasteur a dû combattre six années pour réfuter la théorie de la «génération spontanée» ; Fleming a longtemps lutté contre son propre scepticisme pour se persuader que la pénicilline, mère des antibiotiques, serait un jour produite. En va-t-il de même, toutes proportions gardées, du professeur Raoult ? Ce médecin au physique d’Abraracourcix a transformé son hôpital marseillais en village gaulois, distribuant, non une potion magique, mais un antipaludéen dont il tient qu’il soigne le coronavirus. On a commencé par le prendre de haut. Mais, avec un coupable retard, on s’est résigné à tester en grand le médicament qu’il a administré, semble-t-il avec succès, à une vingtaine de patients. Sage décision, qui devrait mettre fin à la polémique. En espérant que le dissident ait raison, ce qui soulagerait des milliers de malades et des millions de confinés, qui le seront encore plus après les décisions annoncées par Edouard Philippe… D’autant qu’un autre argument de Raoult rencontre, cette fois, le pur bon sens : pourquoi ne pas tester massivement les cas suspects, comme l’OMS vient encore de le préconiser avec force ? L’exemple vient d’Asie, où la stratégie coréenne a fait la preuve de sa pertinence. Faute de tests disponibles ? Dans ce cas, et même si la réponse fait scandale, il faut le dire. Sinon, en quoi le fait de détecter les patients contaminés, qu’on peut alors isoler tout en retraçant leur itinéraire pour isoler à leur tour ceux qu’ils ont fréquentés de près, serait-il inutile ou nuisible ? La réponse est urgente et impérative.